BIBLIOTHECA S. J.
Maison Saint-Augustin
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LES
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DOUZE VERTUS
D'UN BON HAITfiE,
PROPOSÉES
PAR LE ¥ÉN. J.-B. DE LA SALLE,
Instituteur des Frères des Ecoles clirétieuues ;
*
EXPLIQUÉES
PAR LE FRÈRE ÀGATHON,
SUPÉRIEUR GÉNÉRAL.
Vcner., mes enfants, écoutes-moi; je tous
enseignerai la crainte du Seigneur.
(Ps. xkxiii, 12.)
*
vn» c i 11 1 ire "* Fontêlnes
YLUbAILLES, 60 , CWXRtfM Y
IMPRIMERIE UE BEAU JEUNE,
; 36, RUE DE L'ORANGERIE.
1856
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AVERTISSEMENT.
MES TRES-CHERS FRÈRES,
U ne suffirait pas de connaître les
obligations que nous imposent nos
vœux, si nous ignorions les moyens
qui nous sont nécessaires pour répon*
dre, comme il faut, à la fin de l'In*
stitut, qui est l'instruction des enfants.
C'est pour cette raison que notre in-
tention, présentement, est de traiter
matière des vertus qui conviennent à
un bon Maître.
Vous ne pouvez, M. T.-C. F,, q Ue
recevoir avec empressement un ouvr**
ge qui est, pour vous, d'une si grande
importance. Le plan en a été donné
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4 AVERTISSEMENT.
par le Vén. de La Salle, notre digne
Fondateur; nous l'avons composé
d'après ses principes et ses maximes ;
ce que nous avons tiré d'ailleurs a été
puisé dans les auteurs les plus estimés.
Les vertus, ou, ce qui est ici la même
chose, les qualités, les talents d'un
bon Maître sont : la Gravité, le Silence,
l'Humilité, la Prudence, la Sagesse, la
Patience, la Retenue, la Douceur, le
Zèle, la Vigilance, la Piété et la Gé-
nérosité.
Notre dessein n'est pas de parler de
ces vertus d'une manière générale ;
nous nous contentons , et nous devons
nous contenter, d'en faire uniquement
l'application à la fin que nous nous
proposons, et c'est sous ce rapport
que nous les considérerons dans la
suite.
AVERTISSEMENT- 5
Voici Tordre que nous suivrons.
Nous développerons le vrai caractère
de chaque vertu, les traits particuliers
qui lui conviennent, et ceux qui lui
sont contraires; ainsi ce sont des ta-
bleaux, et autant de tableaux à tracer
qu'il y a de vertus. En les voyant, un
Maître attentif et intelligent apercevra
sans peine .«e qu'il doit faire et ce qu'il
doit éviter pour rendre utile l'ensei-
gnement dont il est chargé.
Mais, avant de commencer, nous
ferons observer qu'il serait peut-être
facile de donner à ce grand nombre
de vertus une liaison et un certain en-
chainement entre elles. Ainsi, on pour-
rait mettre la Sagesse dans le premier
rang, parce qu'elle présente le grand
objet, l'objet entier qu'un Maître doit
se proposer ; la Prudence dans le se-
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6 AVERTISSEMENT.
-
cond, parce qu'elle lui fait connaître
la manière de le bien remplir. Ensuite
viendraient les autres vertus, chacune
à sa place, et l'ouvrage serait terminé
par la Douceur. Elle est en effet le
complément des vertus d'un bon
Maître, par l'excellence du prix que
lui donne la Charité, qui est la reine
et la maîtresse de toutes^s vertus;
mais une pareille chaîne nous a paru
être une chose de pure curiosité, sans
aucune utilité réelle, et nous avons cru
devoir suivre l'ordre que le Vén. de
La Salle a lui-même jugé à propos
d'indiquer.
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LES
-
DOUZE VERTUS
D'UN BON MAITRE
- - -
DES ÉCOLES CHRÉTIENNES.
I
I. LA GRAVITÉ.
La gravite est une vertu qui règle
tout l'extérieur d'un Maître confor-
mément à la modestie, à la bien-
séance et au bon ordre.
Un Maître qui a cette vertu tient
donc le corps dans une assiette natu-
relle, sans gêne ni affectation ; il ne
branle pas la tête, ne la tourne pas
légèrement de côté et d'autre, ni à
chaque mot qu'il dit ; il a le regard
assuré et serein, sans artifice ni sé-
vérité ; il ne rit point en parlant, et
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8
LA GRAVITÉ.
ne fait pas de contorsions messéa ri-
tes ; il a l'air affable ; il parle peu et
d'un ton modéré; il n'est dans ce
qu'il dit ni aigre, ni piquant, ni hau-
tain, ni agreste, ni malhonnête en-
vers qui que ce soit.
Persuadé que la gravité, la mo-
destie, la réserve, n'excluent pas la
bonté ni une tendre affection, il
cherche par ses aimables qualités à
se concilier l'amitié des écoliers,
parce qu'il sait qu'alors ils auront
plus d'empressement pour accourir
à ses leçons, plus de docilité à les
recevoir et plus de fidélité à les met-
tre en pratique ; mais il ne se rend
pas trop libre avec eux : il n'a d'in-
timité ni de familiarité avec aucun.
Loin de se proposer uniquement
de s'en faire craindre, son but prin-
cipal est de s'attirer leur confiance
po ur mieux con n aître les vertus qu'ils
peuvent avoir, afin de les cultiver
et de les perfectionner; pour aper-
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LA GRAVITÉ.
9
cevoir plus facilement leurs vices et
leurs défauts, afin de les corriger,
sinon tous et tout à fait, au moins au-
tant que la chose est possible. Pour
cet effet, il écarte soigneusement de
sa conduite tout ce qui ressentirait
la dureté, la fierté, la rodomontade;
en un mot, tout ce qui le ferait pa-
raître austère, de mauvaise humeur,
indifférent, difficile à contenter. Il
évite également un ton trop impo-
sant, trop rigoureux, qui empêche
les écoliers de se montrer tels qu'ils
sont, qui les porte à se dérober à
l'œil du Maître, à cacher le mal au-
quel il pourrait remédier s'il le
connaissait, et leur ôte la liberté de
laisser éclore le germe des bonnes
qualités qui se trouvent en eux.
Il veut encore s en faire estimer
et respecter ; car les écoliers n'écou-
teraient pas ce que leur enseignerait
un Maître qu'ils n'estimeraient pas ;
il n'oublie donc jamais l'obligation
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10 LA GRAYITÊ.
qu'il a d'être pour eux un exemple
continuel de toutes les vertus : il an<-
nonce, dans tout son extérieur, une
retenue et une décence qui sont le
fruit de la maturité de son esprit, de
sa piété, de sa sagesse ; mais surtout
11 a soin de conserver la tranquillité
par l'égalité d'âme (l) et d'humeur.
Il s'interdit aussi les postures négli-
gées, immodestes, trop d'enjoue-
ment, toute légèreté, toute bouf-
fonnerie, tout ce qui tient à la fri-
volité. Cependant comme la gravité
portée trop loin le rendrait ridicule
et insupportable, il la renferme dans
les justes bornes qui lui appartien-
nent. C'est ainsi que cette vertu, bien
entendue, et fondée sur une vérita-
ble élévation de sentiments, établit
(1) Cette égalité consiste dans le maintien
paisible et uniforme d'une âme qui n'est pas
troublée par les événements, quels qu'ils soient.
On l'acquiert çn se formant une idée juste des
choses, en modérant ses désirs et ses craintes,
en se préparant à tout ce qui peut arriver.
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LA GRAVITE,
le bon ordre dans une classe; c'est
ainsi qu'elle préserve le Maître de
se manquer à soi-même, qu'elle
contient ses écoliers dans le devoir,
et qu'elle leur inspire envers luil'at-
tapnement, la confiance, l'estime et
le respect.
Outre les défauts contraires à la
gravité, dont nous avons parlé, en
voici encore d'autres qu'un Maître
doit singulièrement éviter : les em-
portements, les violences, les re-
gards fiers et menaçants, l'impa-
tience, la rusticité, les puérilités, les
tons irppérieux, les paroles inju-
rieuses pu dictées par upe douceur
simulée et ironique*
Il ne lui suffirait pas de se préser-
ver de ces défauts, s'il n'évitait en-
core les grimaces, les plaisanteries,
les pénitences qui troubleraient l'or-
dre, qui feraient rire, qui seraient
indécentes; des façons de faire et de
parler qui ne conviendraient pas
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12 LÀ GRAVITÉ.
dans une classe, des manièrçs mé-
prisantes, un visage sombre, refro-
;né, certains bruits ou accents de
>ouche; les affectations ridicules,
comme de grosse voix, de hauteur,
d'air trop magistral, trop absolu,
pédantesque, un dehors trop mysté-
rieux, guindé, suffisant, fâcheux,
renchéri ; les mouvements de corps
Î)récipités, les haussements d'épau-
es, les gesticulations trop grandes,
les coups frappés sur le marche-
pied, sur le siège ou sur les tables,
pour étonner les écoliers et leur
faire peur.
Annoncez ces choses , et ensei-
gnez-les. Que personne ne vous mé-
prise à cause de votre jeunesse (c'est-
à-dire, ne vous regarde comme son
inférieur en vertu, et, pour cela, ne
fasse peu de cas de vous) 1 ; mais ren-
dez-vous V exemple et le modèle des
Fidèles dans les entretiens, dans la
manière d'agir avec le prochain,
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LE SILENCE. 43
dans la charité, dans la Joi. I Tim .
îv, ii et la.
Prêchez ces vérités, exhortez et
reprenez avec une pleine autorité ;
que personne ne vous méprise. Tït.
h, i5.
II. LE SILENCE.
Sous lé nom de silence, nous en-
tendons ici généralement une sage
discrétion dans l'usage de la parole ;
discrétion qui fait qu'un Maître se
tait quand il ne doit pas parler, et
qu'il parle quand il ne doit pas se
taire.
Cette vertu renferme donc deux
fonctions : elle apprend à un Maître
l'art de se taire, elle lui apprend celui
de parler; ainsi elle lui fait éviter
deux défauts opposés qu'elle con-
damne, savoir: la taciturnité et la
loquacité.
La première fonction du silence
14 LÉ SILENCE.
{jroduit l'ordre et la tranquillité dans
a classe, assure les progrés et l'a-
vancement des écoliers, procure le
repos du Maître et la conservation
de sa santé : trois choses auxquelles
un Maître ne peut pas manquer
sans s'exposer à de grands inconvé-
nients.
En effet, s'il parle beaucoup, les
écoliers parlent de même. Ils font
indiscrètement des questions et des
réponses ; ils s'immiscent dans ce qui
rte les regarde point ; ils se justifient
et veulent justifier les autres : ce n'est
plus qu'un bourdonnement général
dans la classe.
D'ailleurs, il est d'expérience que
les Maîtres qui parlent beaucoup
sont peu écoutés, et qu'on fait peu
de cas de ce qu'ils disent ; mais que
s'ils parlent peu , bien et à propos >
les écoliers font attention a ce qui
leur est dit, qu'ils le goûtenti le rea
tiennent et en profitent.
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LE SILEKCK.
Il est encore d'expérience que les
Maîtres qui aiment à parler beau-
coup sont dans une agitation perpé-
tuelle, et qu'ils fatiguent à l'excès leur
poitrine. L'enseignement est très-
pénible de sa nature; pour s'en ac-
quitter comme il faut, un bon Maître,
sans doute, se sacrifie bien volon-
tiers, mais c'est toujours avec sa-
gesse : il évite donc toute impru-
dence, et principalement toute ma-
nière d'instruire, qui, sans être utile,
porte un plus grand préjudice à sa
santé.
Les signes dont nous nous ser-
vons nous procurent l'avantage sin-
gulier de garder le silence lorsque
nous faisons la classe. Leur usage a
été établi pour avertir et reprendre
les écoliers, pour leur faire connaître
tout ce qu'ils ont à faire, eh sorte que
le Maître ne doit parler que lors-
qu'il ne peut faire comprendre par
signes ce qu'il exige d'eux. Ainsi le*
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16
LE S1LUNCK.
signes, en avertissant un Maître de
se taire, l'avertissent en même temps
de parler lorsqu'ils ne suffisent point;
et c'est ici qu'un Maître commence
à remplir la seconde fonction du si-
lence.
Mais il n'a à la remplir que dans
trois occasions seulement : dans la
lecture , pour faire connaître les
fautes qu aucun écolier ne peut re-
prendre, et pour donner 1 explica-
tion, les avertissements , les ordres,
les défenses nécessaires ; dans le ca-
téchisme, pour expliquer ët pour
aider les écoliers à bien répondre ; et
dans les prières du matin et du soir,
Sour exhorter et faire quelques ré-
exions; mais alors il ne doit dire
précisément que ce qui est néces-
saire. S'ii parlait plus, il pécherait
contre la première fonction de la
vertu du silence.
Au reste , l'objet principal du
Maître étant de former les enfants
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LE SILÇNCB. 17
aux vertus chrétiennes , il doit en
général éclairer leur esprit, et émou-
voir leur cœur sur les vérités qu'il
a à leur enseigner. Pour instruire, il
doit se préparer comme nous l'avons
déjà dit dans notre première lettre
instructive (1), et comme nous le di-
rons plus amplement dans la vertu
de prudence. Pour rendre ses dis-?
cours touchants, il doit travailler à se
pénétrer des sentiments qu'il veut;
inspirer à ses disciples. «Si vous vou-
lez persuader, dit S. Bernard (2),
c'est par les sentiments affectueux,
bien plus que par les déclamations,
que vous pouvez y tendre avec suc*
ces.» Aussi, une infinité d'exemples
prouvent que tandis qu'uq Maître
habile et éloquent s'épuise en vain,
par un travail d'autant plus pénible
que le véritable zèle y a moins de
(>) Page 27 et suiv. dans la note.
(2) Sermon 59, N. 83, sur les Cantiques.
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18 LE SILENCE.
part, un autre très-inférieur en ta-
lents, mais bien pénétré de ce qu'il
annonce, opère les effets les plus sa-
lutaires.
D'après toutes ces réflexions, un
bon Maître regardera en général
comme des fautes qui sont contraires
au silence, et qu'il doit éviter, pre-
mièrement de parler sans nécessité,
ou de se taire quand il faut parler;
secondement de dire mal ce qu'il doit
dire , pour n'en avoir pas prévu le
sujet, la nécessité, le temps conve-
nable, les circonstances, ni le bien
ou le mal qui pourrait en résulter ;
ou bien en s'exprimant sans force,
sans précision, sans justesse, hésitant
pour chercher bien loin des termes,
sans savoir ce qu'il dit, étant diffus
et sans méthode; troisièmement de
rester trop longtemps à parler avec
quelques écoliers, avec leurs parents,
avec d'autres externes, ou avec ses
compagnons d'école, lors même qu'il
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LE SILENCE.
19
leur parle dans le besoin ; quatriè-
mement de s'occuper des nouvelles
publiques, d'entendre celles que les
écoliers veulent lui apprendre ; cin-
quièmement, enfin, de parler trop
vite ou trop pesamment, ou avec
confusion, ou trop haut , ou si bas
que les écoliers ne puissent entendre
ou ne puissent aisément comprendre
* ce qu'il leur dit.
-
Les hommes rendront compte au
jour du jugement de toute parole
inutile qu'Us auront dite. S. Mat-
thieu, xn, 36.
Pour vous, instruisez d'une ma-
nière qui soit digne de la saine doc-
trine. Tit. ii, i.
Lorsque vous parlez, dit S, Ber-
nard, ne précipitez point vos pa-
roles ; n'en dites que de vraies, et
qu'elles aient du poids ; et ne parlez
que de Dieu ou pour Dieu.
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20 l'humilité.
■ M , ■ , ■ , . ,
III. L'HUMILITÉ.
•
L'humilité est une vertu qui nous
inspire de bas sentiments de nous^
mêmes, en nous rendant la justice
qui nous est due; elle nous faii donc
connaître ce que nous sommes, sui-
vant ces paroles de l'Apôtre (i) :
Qu avez-vous que vous n'ayez reçu?
Quesivous F avez reçu, pourquoi vous
en glorifiez-vous ? Air.si elle combat
directement l'orgueil qui nous donne
injustement une haute idée de notre
excellence ; ce vice, en effet, n'est
qu'une erreur, une vaine enflure qui
nous élève, et nous fait paraître à
notre propre jugement plus grands
que nous ne sommes dans la vérité.
Notre divin Sauveur nous apprend
(1) l Cor, i Y> 7.
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l'humilité. 21
la nécessité de cette vertu, lorsqu'il
nous dit (i) : Je vous dis en vérité
que si vous ne devenez comme de
petits enfants, vous ri entrerez pas
dans le royaume des cieux. Menace
effrayante, qui regarde singulière-
rement ceux qui sont chargés d'in-
struire les enfants.
Mais quels sont les vrais caractè-
res de l'humilité de notre état, con-
sidéré sous le rapport de la fonction
de l'enseignement? C'est ce que nous
allons expliquer.
i° L'humilité d'un bon Maître doit
être chrétienne. Il sera donc fidèle à
ce qu'il doit à Dieu et à ce qu'il doit
au prochain, c'est-à-dire npn-seu*
lement à ses supérieurs, mais encore
à ses é^aux et à ses inférieurs : ainsi
un Frère qui sera le premier entre
plusieurs n'aura garde d'exiger, ni
même de souffrir des autres, sous
(1) S. Matth. xyiii, 3.
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22 l'humilité.
prétexte de sa prééminence sur eux,
qu'ils lui rendent des services bas
et abjects qu'il peut se rendre lui-
même. S'il l'exigeait, ce serait de sa
part une action très-contraire à l'hu-
milité. Un bon Maître sera humble
d'esprit, en connaissant bien sa
propre bassesse; il sera humble de
cœur, en aimant son abjection; il
sera humble d'action, en agissant
conséquemment en toute circon-
stance.
Sans doute il n'oubliera jamais
l'excellence, la noblesse de la fin
pour laquelle il a été créé ; mais en
même temps il abaissera les yeux
sur le malheureux état où il se
trouve depuis le péché du premier
homme; ténèbres dans l'entende-
ment, qui, sans être entières, sont
très-considérables ; faiblesse plus
grande dans la volonté; impuis-
sance réelle de faire aucun bien sur-
naturel sans le secours de Dieu : tel
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l'humilité. 23
est le triste apanage de l'humanité,
selon ce que la religion lui apprend.
Il sait à la vérité que Dieu ne lui man-
quera jamais au besoin, à moins qu'il
ne l'abandonne le premier. Mais, lors
même qu'il se croit fermé, ne doit-
il pas toujours craindre de tom-
ber (i) et, conséquemment, opérer
son salut avec crainte et tremble-
ment^)} Une peutse rassurer qu'en
agissant conformément à ces belles
paroles de l'apôtre S. Pierre (3) .Ef-
forcez-vous donc de plus en plus,
mes frères, d'affermir votre voca-
tion et votre élection par les bonnes
œuvres; car agissant de cette sorte
vous ne pécherez jamais; et par ce
moyen Dieu vous donnera une en-
trée facile au royaume éternel de
notre Seigneur et Sauveur J.-C.
2° L'humilité est accompagnée de
(1) I Cor., x, t2. — (2) Pliilipp. n, 12. —
(3) II S. Pier. i,40 et M.
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21 l'humilité.
la modestie. Ainsi un Maître qui a
véritablement celte vertu s'estime
très -honoré de travailler au salut
des âmes, à l'exemple de J.-C. et
des Apôtres, dans une fonction dont
se sont glorifiés* un ^rand nombre
de saints qui ont éclairé l'Eglise par
leurs lumières, autant qu'ils l'ont
édifiée par leurs vertus.
S'il a de la capacité, il n'en fait
point ostentation ; il ne montre pas
de suffisance, de fierté, de hauteur;
il s'abstient des traits, des gestes,
des airs, des façons étudiés qui ten-
draient à lui donner du relief aux
yeux des hommes, à faire admirer
les qualités qu'il croirait avoir; il
ne se complaît ni dans son esprit,
ni daps les sciences qu'il pourrait
avoir acquises : à plus forte raison
il ne méprise ni ses Frères, ni ce
qu'ils font. Il ne cherche pas à être
loué dans ce qu'il fait, ni applaudi
dans ses succès; il ne s'attribue
l'humilité. 25
point à lui-même la gloire qui n'est
v due qu'à celui qui dispense les ta-
lents comme il lui plaît ; il la rap-
porte tout entière à Dieu seul (i).
S'il ne fait pas toujours çarmi ses
écoliers tous les fruits qu'il en es-
père, si même il n'en fait aucun, il
s'en impute la faute à lui-même, il
cherche à la connaître pour la répa-
rer; mais ensuite il reste en paix et
soumis à la Providence, sachant
que (2) celui qui plante riest rien, ni
celui qui anvse ; mais que tout vient
de Dieu, qui donne l'accroissement.
3° L'humilité exclut tout motif de
vaine gloire. Rien, en effet, n'est plus
frivole que le désir de l'estime des
hommes : c'est, dit Pierre de Blois,
un vent brûlant qui dessèche les
, ruisseaux de la grâce. Ce désir est
I encore incompatible avec les maxi-
| mes de l'Evangile : Jésus-Christ disait
1
(1) I Tim. t, 17. — (2) I Cor. m, 7.
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26 l'humilité.
à ses Disciples (i) : IV 'aimez pas à
être appelés maîtres, ni à être sa-
lués comme docteurs : il vous im-
porte peu d'être connus des hom-
mes; ce qui vous est nécessaire,
c'est que vos noms soient écrits dans
le ciel (2).
4° L'humilité est sans ambition.
Comme un Frère véritablement hum-
ble ne se croit propre et utile qu'à
fieu de chose, il ne cherche pas
es postes et les emplois relevés , il
ne désire pas tenir une classe plutôt
qu'une autre ; mais il se persuade
que celle où il a été appelé par l'o-
béissance lui convient mieux qu'une
autre, qu'elle lui fournira plus de
moyens de glorifier Dieu, et lui at-
tirera plus de grâces pour bien em-
ployer ces moyens dans toute leur
étendue.
5° L'humilité est sans jalousie.
(1) S. Matth. xxm/8 et 10.— (2) S. Luc, x, 20.
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l'humilité.
27
Un Frère qui est humble, loin d'être
peiné des succès des autres qui four-
nissent la même carrière, aime au
contraire à voir qu'ils l'égalent,
qu'ils le surpassent, qu'ils réussis-
sent mieux que lui dans l'enseigne-
ment. Ainsi il ne se fera pas valoir
comme ayant plus de mérite qu'un
autre ; il ne se laissera pas non plus
aller à la froideur envers ceux qui
lui seront préférés, et de même il
ne conservera pas d'aigreur contre
ceux qui l'estimeront moins que ses
autres Frères.
6° L'humilité se défie de ses lu-
mières. Si donc un Frère a vérita-
blement cette vertu, comme il doit
suivre les principes établis dans
l'Institut pour enseigner les enfants,
il n'abondera pas dans son sens; il
se conformera à ses confrères; il
gardera avec eux l'uniformité de
conduite; il n'aura recours à aucune
méthode particulière, à aucun usage
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28 l'humilité.
extraordinaire pour instruire à sa
mode, considérant le tort que les
écoliers pourraient en souffrir et lg,
peine qu'il occasionnerait aux Maî-
tres qui lui succéderaient.
Comme il est timide en ce qu'il
fait, il cherchera à se rassurer sur
l'habileté des autres ; il les consul-
tera ; il recevra en bonne part leurs
avis, leurs avertissements, leurs in-
structions, en un mot, tout ce qui
pourra le mettre en état de s'acquit-
ter plus parfaitement de son emploi,
7 0 L'humilité fait qu'un Maître
aime à communiquer sa science aux
simples. Il s'occupe donc avec zèle à
évangéliser les pauvres, à instruire
les ignorants, et à apprendre aux
enfants les éléments de la Religion.
Mais si, avec la science, il est sans •
humilité, il abandonne aisément les
parties de renseignement qui ont le
moins de réputation, quoiqu'elles
soient peut-être les plus utiles.
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l'humilité. 29
■
8° L'humilité d'un bon Maître est
courageuse. Il ne se fait aucune
peine de ce qu'il peut y avoir de bas
et de rebutant dans les écoles et
dans les écoliers ; il reçoit les enfants
avec bonté, avec douceur ; il souf-
fre, sans montrer aucune répugnan-
ce, leurs défauts naturels, leur gros,
sièreté, leur inaptitude, les vices de
leurs caractères ; il en supporte pa-
tiemment l'indocilité, les impoli-
tesses, l'ingratitude, les résistances,
les insultes, sans se livrer au ressen-
timent, à la vengeance, lors même
que ces fautes le regardent person^
nellement; néanmoins^ il n'oublie
pas qu'il doit toujours réprimer tout
ce qui pourrait affaiblir son auto-
rité, et donner lieu à la mutinerie^
à l'insolence, à l'inapplication ou
aux autres manquements des éco*
liers.
9° L'humilité fait qu'un bon Maî-
tre traite ses égaux, ses inférieurs,
Digitized
30
l'humilité.
avec estime, cordialité, amitié et
bonté.
io° L'humilité fait qu'un bon
Maître endure sans tristesse la con-
fusion que ses méprises, ses mal-
adresses, le défaut de succès peu-
vent lui attirer. Les écoliers ne sau-
raient en effet qu'être édifiés de son
exemple, pour l'imiter ensuite eux-
mêmes, lorsqu'ils se trouveront dans
de pareilles circonstances.
il* L'humilité d'un bon Maître
est charitable ; elle le rend aimable,
obligeant, serviable, de facile abord,
surtout aux pauvres et à ceux pour
lesquels il se sentirait de l'éloigne-
ment. 11 ne prend donc jamais en-
vers ses écoliers un air insultant,
méprisant, dédaigneux.
1 2° Enfin, outre les défauts dont
nous venons de parler, l'humilité
condamne encore en général les sui-
vants, savoir : les manques d'égards,
l'indifférence pour les autres, des
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l'humilité.
31
façons de faire importantes, pré-
cieuses, recherchées envers ses Frè-
res et les écoliers; l'égoïsme, qui
fait qu'on n'est occupé que de sa
personne, et qu'on rapporte tout à
soi; une défiance excessive de soi-
même, qui n'est qu'une fausse hu*
milité, bien condamnable dans le
cas où, craignant de ne pas réussir,
elle" refuse de s'employer autant que
la gloire de Dieu et l'obéissance le
demandent; l'esprit d'indépendan-
ce, qui fait qu'on ne suit que ses
idées, qu'on veut n'être subordonné,
f>our ainsi dire, à personne dans
'exercice de son emploi , en sorte
qu'on rend avec peine à un Visiteur,
à un Directeur, à un Inspecteur, les
devoirs de prévenance, d'honnêteté
qu'on doit remplir à leur égard :
comme de les prier de s'asseoir sur
le siège pendant les exercices, de
leur demander ce qu'ils désirent
qu'on fasse faire , de les accompa-
Digitized
3$ l'humilité.
gner pour répondre à ce qu'ils peu-
vent demander, de leur donner tous
les éclaircissements qu'ils exigent ,
de leur mettre en main les cahiers
des écoliers, de recevoir leurs ob-
servations et leurs avis, etc.
L'humiliation suivra le superbe ;
et la gloire fera le partage de l* hum-
ble d'esprit. Prov. xxxix, s3.
Que chacun par humilité croie les
autres au-dessus de soi. Philipp . h, 3 .
. —
IY. LA PRUDENCE.
La prudence est une vertu qui
nous mit connaître ce que nous de-
vons éviter, en nous indiquant les
tnovens sûrs et légitimes de parve-
nir à une fin louable. Elle détermine
donc l'usage que nous devons faire
de notre esprit, pour prévenir le
repentir en chacune des démarches
ou des entreprises de la vie. Au
LA PRUDENCE.
33
reste, les moyens qu'elle emploie
seront toujours légitimes, s'ils sont
inspirés par la raison ou pour la
foi ; et ils seront sûrs, s'ils ne sont
insuffisants ni excessifs.
Comme la principale fin d'un bon
Maître est l'éducation des enfants, la
prudence l'éclairé conséquemment
sur les moyens qu'il doit prendre
{Dour les bien élever, en formant
eur esprit et leur cœur : ainsi c'est
une vertu très -estimable; elle est
même un des arts les plus excel-
lents, dit S. Jean Chrysostome (i) ;
car, ajoute -t -il, un bon Maître
femporte infiniment sur un liabile
peintre y sur un liabile statuaire, et
sur les autres artistes; d'où il faut
■
(1) Quid raajus quam animis moderari, quam
adolescentulorum fingere mores? Omni certe
pictore, omni certe statuario,caeterisque hujus-
modi omnibus, excellentiorem hune ducô, qui
juvenum animos fingere non ignore t. Hom. 60
sur S. Mat th. 18.
3
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34
LA PRUDENCE.
conclure qu'on peut lui appliquer
singulièrement ces paroles de l'Es-
prit saint : Heureux Vhomme qui
est riche en prudence ( i ) .
Comme les fonctions de cette
vertu sont de bien délibérer, de bien
juger, de bien ordonner, un Maître
doit s'étudier à les remplir comme
il faut ; il ne peut, en effet, s'assu-
rer du succès dans l'éducation des
■
enfants, sans être assuré de l'infail-
libilité des moyens qu'il emploie
pour les bien élever, et il ne peut
en être assuré sans avoir examiné,
discuté, cherché, découvert quels
sont ces moyens.
Néanmoins il est possible, en gé-
néral, qu'il se trompe dans son juge-
ment; mais ce n'est pas lorsqu'il
agit avec prudence : car ou la chose
dont il juge est évidente, ou elle est
douteuse. Dans le premier cas, il ne
saurait se tromper, et dans le se-
(1) Prov. ni, 13.
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LA PRUDENCE.
35
cond, avant de prononcer, il réflé-
chit avec l'attention requise pour ne
dire que ce qu'il sait, et pour ne
donner que comme conjecture ce
qui est seulement conjectural.
Mais pour s'acquitter dignement
des fonctions de la prudence, il a
soin de faire usage des parties qu'elle
renferme, et qui sont au nombre'de
huit, savoir : la mémoire, l'intelli-
gence, la docilité, l'adresse, le rai^-
sonnement, la prévoyance, la cir-
conspection et la précaution.
La mémoire. Il est de la prudence
d'appliquer à l'avenir l'expérience
du passé : rien ne ressemble plus à
ce qui se fera que ce qui s'est déjà
fait. Un bon Maître saura donc pro-
fiter de ce qu'il a appris; il s'in-
struira utilement par les fautes et les
succès d'autrui, dont il' est informé,
et ne manquera pas de suivre fidèle-
ment notre Conduite des Ecoles, qui
n'a été faite que d'après d'exactes
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36 LA PRUDENCE.
.
recherches et l'expérience la plus
consommée.
L'intelligence. La prudence de-
mande qu'on connaisse pleinement
l'objet dont on s'occupe, et les
moyens qui conviennent pour le
remplir.
Un Maître cherchera donc pre-
mièrement à bien étudier et à bien
approfondir le génie et le caractère
des enfants, pour proportionner ses
leçons à leur capacité, à leurs be-
soins, et pour les rendre utiles. Par
exemple, il en est tels que la crainte
retient, et tels, au contraire, qu'elle
abat et décourage. On en voit dont
on ne peut rien tirer qu'à force de
travail et d'application ; d'autres qui
n'étudient que par boutade et par
saillie. Vouloir les mettre tous de
niveau, et les assujettir à une même
règle, c'est vouloir forcer la nature.
La prudence du Maître consiste à
garder le milieu qui s'éloigne égale-
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LA PRUDENCE
37
ment des deux extrémités ; car ici le
mal est tout près du bien, et il est
aisé de prendre l'un pour l'autre et
de s'y tromper : c'est ce qui rend
si difficile la conduite des jeunes
gens.
Secondement un Maître prépa-
rera soigneusement le sujet de cha-
que leçon qu'il veut donner; c'est
donc ici le lieu de traiter de nou-
veau, comme nous l'avons annoncé
précédemment, une matière qui est
aussi importante, et qui d'ailleurs
doit entrer naturellement dans un
ouvrage où l'on explique les vertus
d'un bon Maître. Ainsi nous disons
que la prudence exige d'un Maître
qu'il se prépare avec soin avant de
donner chaque leçon à ses écoliers ;
car il faut qu'il se rappelle exacte-
ment les principes qui peuvent ai-
sément échapper à la mémoire, et
dont l'oubli occasionnerait de gran-
des méprises; il faut qu'il cherche
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38
LA PRUDENCE.
des raisons pour appuyer les prin-
cipes; qu'il les rassemble avec dis-
cernement et avec choix, et qu'il ne
saisisse pas au hasard tout ce qui
s'offrirait dans une lecture rapide et
peu réfléchie ; il faut qu'il donne de
la clarté, de l'ordre, de l'arrange-
ment à ses discours, pour en facili-
ter l'intelligence, et écarter l'embar-
ras que la confusion et le désordre
produiraient infailliblement dans les
esprits; il faut enfin qu'il se mette
en état de s'exprimer avec la dignité,
la décence qui conviennent à l'ensei-
gnement, et sans lesquelles ce qu'il
dit excite souvent l'ennui, le dégoût
et quelquefois le mépris de ceux qui
l'écoutent; cela demande évidem-
ment une préparation et du travail;
et si, en négligeant l'un et l'autre,
on s'attend que Dieu y suppléera
par un secours extraordinaire, cette
attente ne ressemble-t-elle pas plus
à la témérité d'un homme qui tente
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LA I'RUDEKCE.
39
Dieu, qu'à la sécurité de celui qui
se confie justement en sa bonté et
en son pouvoir?
Il est, à là vérité, des Maîtres si
pleins de tout ce qui peut servir à
i instruction de leurs disciples, qu'ils
sont souvent disposés à enseigner
différentes parties sans préparation:
ce sont ceux qùe J.-C. compare à un
père de famille qui est toujours en
état de tirer son trésor des richesses
anciennes et nouvelles qu'un travail
assidu leur a acquises : mais il faut
avouer que cette facilité et cette .
abondance, qui ne peuvent être que
l'effet d'un talent supérieur, joint à
un long exercice de l'enseignement^
ne sont pas le partage de la multi-
tude, et que, pour le commun des
Maîtres, entreprendre, sans s'être
préparé, de traiter en public les vé-
rités les plus importantes de la Reli-
gion, c'est une témérité, une pré-
somption, un mépris en quelque
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40
LA PRUDENCE.
sorte d'une fonction telle que celle
dont il s'agit.
La docilité. Ceux mêmes à qui un
âge plus mûr donne de l'expérience
doivent être disposés à s'instruire
toujours, s'ils veulent être prudents;
car, dit S. Thomas, personne ne se
suffit jamais entièrement à soi-même
en ce qui dépend de la prudence. Un
bon Maître se défiera donc de ses
propres lumières, comme nous l'a-
vons déjà observé, et ne fera rien
d'important sans avoir consulté.
L'adresse regarde l'exécution des
Justes projets qu'on a formés. Ainsi
a prudence veut qu'un Maître pré-
fère toujours les moyens qui lui pa-
raissent les plus propres à assurer le
succès de ce qu il entreprend ; elle
veut encore, par exemple, qu'il
donne à ses paroles, à ses actions, la
même attention que s'il était sous
les yeux des hommes; qu'il s'étudie
à une parfaite discrétion, sans la-
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LA PRUDENCE.
41
quelle il ne pourrait réussir; qu'il
soit tellement réservé, que les éco-
liers ne connaissent pas toujours ce
qu'il pense et tout ce qu'il prémé-
dite à leur sujet.
Le raisonnement. C'est l'art de
raisonner juste pour se garantir des
erreurs où l'on pourrait tomber;
c'est celui dans lequel doit exceller
un Maître prudent pour poser des
principes incontestables sur les
sciences qu'il enseigne, et pour en
déduire des conséquences certaines
qui emportent nécessairement la
conviction de l'esprit.
La prévoyance. C'est une dispo-
sition sage des moyens qui condui-
sent à la fin ; ou, si l'on veut, c'est
l'action de l'esprit par laquelle on
conjecture par avance ce qui peut
arriver suivant le cours naturel des
choses. Sous le premier rapport, la
prudence veut qu'un Maître emploie
assez de temps pour délibérer, s'il
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LA PRUDENCE,
ne veut s'exposer au mauvais succès
d'une entreprise; de taème qu'elle
lui interdit d'y employer trop de
temps, s'il ne veut manquer l'occa-
sion d'agir à propos. La prudence
d'ailleurs rèele et modifie les autres
vertus d'un Don Maître : ainsi elle
examine comment et jusqu'à quel
degré ces vertus devront entrer dans
chacune de ses actions ; en sorte
qu'elle prévoit et ordonne tous les
moyens, ainsi que l'usage et la juste
application qu'il faut en faire.
Sous le second rapport, la pru-
dence fait conjecturer d'avance à un
Maître quelle sera l'utilité ou l'in-
utilité des moyens qu'il peut pren-
dre, afin de les rejeter ou de s'en
servir avec plus de sécurité.
La circonspection. C'est une at-
tention réfléchie pour examiner mû-
rement un dessein avant de lui don-
ner la dernière forme : ainsi un Maî-
tre prudent n'agira pas sans avoir
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LA PRUDENCE.
43
bien considéré ce qu'il doit fâire; il
s'étudiera à prendre le parti le plus
convenable, ayant égard aux circon-
stances des temps, des lieux, des ca-
ractères et des personnes.
Enfin, la précaution prévient avec
soin les inconvénients de ce que Ton
veut exécuter. C'est par elle qu'un
Maître prudent ne punira pas les éco-
liers sans témoin, ni ne se trouvera
jamais seul, en aucun endroit, avec
un écolier, à moins qu'il ne soit à
portée d'être vu par quelqu'un. C'est
par elle qu'il s'appliquera à ne rien
dire ni faire en présence des écoliers
qu'ils puissent blâmer, ou dont ils
puissent être scandalisés. C'est par
elle qu'en reprenant publiquement
les fautes publiques, il ne fera pas
toujours connaître à tous les écoliers
celles que tous ne savent pas, à
cause au déshonneur et du scan-
dale qui pourraient en arriver. C'est
par elle, enfin, qu'il ordonnera telle-
Digitiz
U LÀ PRUDENCE.
ment tout son extérieur, que les
écoliers n'aient pas sujet de penser
qu'il les craigne pour des défauts
naturels qui pourraient être en lui.
D'après tout ce développement, il
est aisé de juger comment un Maître,
avec un bon jugement, avec les con-
naissances ordinaires et celles que
l'étude doit lui procurer, s'acquit-
tera parfaitement des fonctions de la
prudence; et on voit conséquem-
ment aussi combien cette vertu lui
est nécessaire,
On pèche contre la prudence de
deux manières, par défaut ou par
excès.
On pèche de la première manière,
par la précipitation, l'étourderie, la
témérité, le manque d'attention. sur
soi-même, l'inconsidération, la lé-
gèreté, la négligence, l'inconstance,
l'attachement opiniâtre à son sens,
la confiance aveugle dans des res-
sources tout humaines, etc.
)igitized by Google
LA SAGESSE. 45
On pèche de la seconde manière,
par une fausse prudence, que l'Ecri-
ture appelle prudence de la chair.
Elle ne juge en effet que d'après les
sens, et elle n'a d'autre objet que de
satisfaire un amour déréglé, une
trop haute opinion de soi-même : *
ainsi elle s'occupe avec inquiétude
des choses temporelles, soit pour le
présent, soit pour l'avenir; et les
moyens dont elle se sert pour réus-
sir dans ses vues sont 1 astuce, la
tromperie et la fraude.
Soyez prudents comme des ser-
pents. S. Matth. x, 16.
Acquérez la prudence, parce quel-
le est plus précieuse que l'argent*
Prov. xvi, 16.
V. LA SAGESSE.
La sagesse est une vertu qui
nous fait connaître les choses les
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46 LA SAGESSE.
plus relevées, par les principes les
plus excellents, pour y conformer
notre conduite.
Elle diffère de la prudence, car
celle-ci ne fait que supposer une
fin louable, et une fin louable quelle
qu'elle puisse être, au lieu que celle-
là regarde directement l'objet de
cette fin ; et elle le regarde non-seu-
lement comme bon et louable, mais
encore comme très-grand et très-im-
portant.
Il peut même arriver que l'une
des deux vertus se trouve sans l'au-
tre. Donnons-en d'abord un exem-
ple général. On se propose de faire
administrer à quelqu'un les derniers
sacrements dans une maladie que
l'on dit être grave et dangereuse,
c'est évidemment un acte de sagesse ;
mais est-ce toujours en même temps
un acte de prudence? Non, sans
doute ; il faut, en effet, savoir mora-
lement, ou soupçonner avec raison
Digitized by CjO
LA SAGESSE.
que cette maladie est réelle et dan-
gereuse. Or il est possible, en pa-
reil cas, qu'on se trompe en man-
quant à la prudence si, pour s'in-
former du lait, on remplit mal les
fonctions de cette vertu, comme si
Ton examine légèrement les circon-
stances, si Ton en juge avec précipi-
tation, et si en conséquence on agit
ji'une manière inconsidérée.
Prenons encore ici un autre exem-
ple tiré de la matière que nous trai-
tons. Un Maître veut faire aux en-
fants une instruction sur les objets
qui le concernent, et en particulier
sur le catéchisme : c'est évidemment
un acte de sagesse par lequel il cher-
che à remplir son obligation ; mais
s'il parle aux enfants d'une manière
trop sublime, en sorte qu'ils n'en-
tendent pas ce qu'il leur dit, ou s'il
emploie des expressions trop basses
et peu analogues à la grandeur des
vérités qu'il doit leur enseigner, il
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48 LA SAGESSE»
est sensible qu'il pèche contre la
prudence. Il y a donc une différence
essentielle entre les deux vertus dont
nous parlons.
Mais en quoi consiste la sagesse
d'un bon Maître? Elle consiste à
lui faire connaître, aimer, remplir
le grand objet, l'objet infiniment
précieux dont il est chargé. De là il
suit qu un bon Maître doit commen-
cer par imiter l'exemple de Salomon,
en s'adressant avec numilité à l'au-
teur de tout don, au Dieu des
sciences, au Père des lumières.
Donnez-moi, lui disait ce prince (i),
cette sagesse qui est assise auprès de
vous dans votre trône, ne me rejetez
pas du nombre de vos enfants...
Envoyez - la du ciel, votre sanc-
tuaire, et du trône de votre gran-
deur, afin qu'elle soit et quelle
travaille avec moi, et que je sache
(1) Sag. ix, M0,41 et i±
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LA SAGESSE. 49
ce qui vous est agréable; car elle a
la science et F intelligence de toutes
choses ; elle me conduira dans toutes
mes œuvres avec circonspection^ et
me protégera par sa puissance; ainsi
mes actions vous seront agréables»
Néanmoins il ne suffit pas à un
bon Maître de prier; il agirait im-
prudemment si en instruisant les en-
fants il ne cherchait pas à s'instruire
lui-même de ce qu'il doit leur enr
seiener. Ainsi , il s'appliquera à l'é-
tude comme nous l'avons dit en
f>arlant de la prudence. La sagesse
ui indiquera encore, elle lui fera
approfondir et les sciences qu'il est
opligé de leur apprendre, et les
principes de ces sortes de scien-
ces : autrement il ne dirait à ses
écoliers que des mots, ou bien il
ne leur donnerait que des idées
sans fondement et sans liaison,
dont le souvenir s'effacerait aisé-
ment.
4
Digitized
50 LA SAGESSE.
D'ailleurs, en leur communiquant
ses connaissances, il aura grand soin
en particulier de ne leur rien dire
d'injurieux, de rebutant, ou qui
soit capable de les porter au dégoût
pour le Maître ou pour l'école ; de
ne se conduire jamais par des opi-
nions hasardées et par de faux pré-
jugés, mais toujours par les maxi-
mes chrétiennes, par les lois divines
et humaines, et aussi par celles de
son état.
Mais, pour instruire les enfants
avec plus de fruit, la sagesse n'exi-
ge-t-elle pas qu'il pratique lui-même
les vertus auxquelles il doit les for-
mer ? Si vous vous montrez bien con-
vaincus de ce que vous enseignez y
dit S. Bernard (i), vous donnerez à
votre voix la voix de la force ; la
voix de V action est bien plus, que
celle de la parole. Agissez comme
(1) Sermon 59 sur le Cantiq. des Cantiques.
■
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LA SAGESSE.
51
vous -parlez. Puisqu'il apprendra
aux enfants la science de diriger
leurs actions conformément aux
vraies règles, de modérer, de corri-
ger leurs passions, de devenir véri-
tablement et solidement heureux,
il s'étudiera donc à leur donner
l'exemple de ce qu'il voudra leur en-
seigner; il s'attachera, et pour lui et
pour leur instruction, à démêler ce
qui est réellement bon d'avec ce qui
ne l'estqu'en apparence ; à bien choi-
sir et à se soutenir dans des choix
éclairés ; à disposer tout avec ordre
et avec mesure ; en un mot, à rem-
plir exactement ses devoirs envers
Dieu, envers lui-même et envers les
autres.
Par là, il acquerra cette sublime
sagesse, qui renferme la science par
excellence, la science sans laquelle
toutes les autres ne sont rien en
comparaison, celle qui découvre la
voie du salut, et qui fait goûter à
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LA SAGESSE
l'âme les choses du ciel, dont elle
lui montre toute la douceur et toute
la solidité; celle qui nous apprend
à nous conformer à ce que la Reli-
gion nous dicte; par exemple, à
trouver les richesses dans la pauvre*
té, la joie dans les souffrances, une
véritable élévation aux yeux de Dieu
dans des emplois bas et méprisables
aux yeux des hommes; à faire un
bon usage des biens et des maux de
cette vie ; à ne prendre aucune réso-
lution qu'avec des vues droites et
justes ; à ne tendre à sa fin que par
des moyens légitimes ; à joindre,
dans la conduite des enfants, une
juste fermeté avec une louable dou-
ceur, les exemples avec les précep-
tes; à chercher toujours les avanta-
ges spirituels qui nous enrichissent
pour l'éternité, plutôt que les avan-
tages temporels qui ne sont que pas-
sagers ; bien persuadés qu'w ne $er*
virait de rien à T homme de gagner
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LA SAGESSE. 53
>
tout T univers s il venait à perdre son
âme (i); que la terre et tous les
biens de la terre passeront, mais que
celui qui fait la volonté de Dieu de-
meurera éternellement. Telle est,
en effet, la Vraie sagesse que S. Jac-
ques nous exhorte à demander à
Dieu (2), et qui fera principalement
la gloire et Y ornement d'un bon
Maître.
Les défauts contraires à cette ad*
mirable sagesse sont de préférer
une Satisfaction tout humaine à un
acte de vertu surnaturel, et à l'ac-
complissement parfait de la volonté
de Dieu, couime d'avoir plus d'em-
pressement à acquérir des talents
extérieurs et les sciences profanes,
que la connaissance nécessaire de la
Religion j de s'appliquer plus vo-
lontiers à enseigner ce qui peut
flatter Tamour-propre, qu'à former
M) S. Matlh. xyi, 26. — (2) S. Jacq. I, S.
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54
LA SAGESSE
J.-C. dans le cœur des écoliers; de
rechercher plutôt leur amitié qu'à
corriger leurs défauts, etc., etc.
Il y a encore une sagesse qui ne
vient pas d'en haut, mais qui est
au contraire une sagesse terrestre,
animale et diabolique, suivant l'ex-
pression de S. Jacques (i). C'est une
fausse sagesse, que les passions
aveuglent, et qui ne suit que ce que
lui suggère la malignité de l'esprit :
elle n adopte que les maximes du
monde, et elle réprouve celles de
l'Evangile; elle se met plus en peine
d'acquérir les vertus qui peuvent
être agréables aux hommes, que
celles qui peuvent plaire à Dieu :
elle n'agit que d'après des motifs
intéressés, ne changeant que ce qui
peut lui être utile. D'ailleurs, pour
séduire et tromper plus sûrement
les autres, elle s étudie à se dégui-
(i) S. Jacq. in, 1S.
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LÀ SAGESSE.
ser, en paraissant affable, douce,
liante, polie; mais elle ne fait réel-
lement aucune difficulté d'employer
l'intrigue, la ruse, la fraude, l'ar-
tifice, pour aller à ses fins ; ce n'est
donc qu'une véritable folie, dont
les fruits malheureux sont la con-
tention et la jalousie.
La sagesse est pleine de lumière,
et sa beauté ne se flétrit point. Ceux
qui V aiment la découvrent aisément,
et ceux qui la cherchent la trouvent .
Sag. vi, i3.
Elle est un trésor infini pour les
hommes; et ceux qui en ont usé
sont devenus les amis de Dieu, et se
sont rendus recommandables par
les dons de la science. Ibid., vu, i4-
La sagesse a ouvert la bouche des
muets, et elle a rendu éloquentes les
langues des petits enfants. Ibid., x,
21.
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5G
LA PATIENCE.
VI. LA PATIENCE.
La patience est une vertu qui nôtis
fait surmonter, sans murmurer et
avec soumission à la volonté de
Dieu, tous les maiix de cette vie, et
particulièrement les peines qui sont
attachées à l'éducation de la jeu-
nesse. Elle n'ôte pas, il est vrai, le
sentiment de la douleur, mais, dit
S. François de Sales (i), elle le mo-
dère en nous faisant ressouvenir
souvent que notre Seigneur nous a
sauvés en souffrant et en endurant,
et que de même nous devons faire
Tfptre salut par tes souffrances et
par les afflictions, en endurant les
tnjures, les contradictions et les dé-
(1) Introduction à la Vie dévoie, liv. m.
chap. 3.
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LA PATIENCE. 57
plaisirs avec le plus de douceur
qu'il nous sera possible.
La patience est non - seulement
nécessaire, mais même utile dans
tous les maux.
Elle est nécessaire, parce que la
loi naturelle nous en fait un devoir,
et que murmurer des événements,
c'est outrager la Providence. Ell«
est utile, parce qu'elle rend les
souffrances plus légères, moins dan-
gereuses et plus courtes.
Le fruit de la patience chrétienne,
suivant la parole de notre Seigneur
J.-C. (1), est la possession tran-
quille de nos âmes, et plus la pa-
tience est parfaite, plus nous les
possédons parfaitement, comme dit
encore S. François de Sales.
Cette vertu, en effet, en contient
les puissances dans les justes bornes
dont elles ne doivent pas sortir :
{i) S. Luc, xxi, 10.
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58 LA PATIENCE.
ainsi, elle empêche tout emporte-
ment dans les occasions mortifian-
tes, elle mûrit les desseins, et en rend
l'exécution plus aisée ; tandis que la
précipitation, au contraire, rend
souvent inutiles des projets bien
concertés ; elle adoucit les peines, et
calme l'esprit; elle bannit les accès
de tristesse ; elle défend les paroles
aigres, les dépits, les mauvaises hu-
meurs, les découragements , les in-
quiétudes, les empressements dé-
raisonnables, les promptitudes, les
vivacités.
La pratique de cette vertu con-
siste donc, comme nous l'avons dit,
à accepter, sans nous plaindre, tous
les maux qui nous arrivent. A l'é-
gard des torts qui nous seraient
iaits, voici ce que recommande à ce
sujet le saint que nous venons de
citer : Plaignez-vous-en, dit-il, le
moins que vous pourrez; car il est
certain que pour l ordinaire qui se
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LA PATIENCE. 51)
plaint pèche , parce que F amour-
propre nous fait toujours ressentir
les injures plus grandes quelles ne
sont; mais surtout ne faites point
vos plaintes à des personnes aisées à
s'indigner et à mal parler. Que s'il
est expédient de vous plaindre à
quelqu'un, ou pour remédier à V of-
fense, ou pour apaiser votre esprit,
il faut que ce soit à des âmes tran-
quilles, et qui aiment bien Dieu :
car autrement au lieu d alléger vo-
tre cœur, elles le provoqueraient à
de plus grandes inquiétudes; au
lieu d'ôter T épine qui vous pique,
elles t enfonceraient plus avant.
Tout ce que nous venons de dire
delà patience, en général, s'applique
aisément à un bon Maître. Comme
il est presque toujours avec les en-
fants, cette vertu consiste, pour lui,
à supporter les désagréments et les
dégoûts qui peuvent se rencontrer
dans son emploi j à ne se faire consé-
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60 LA PATIENCE.
quemment aucune peine des airs,
des plaisanteries, des mauvaises ma-
nières des écoliers ou de leurs pa-
rents, à compatir à la faiblesse de la
raison et de l'âge des enfants, de
même cp'à la légèreté de leur es-
prit et a leur inexpérience ; à ne se
rebuter jamais, ni se lasser de leur
répéter souvent et très-longtemps
les mêmes choses, et toujours avec
bonté et affection, pour les incul-
quer dans leur mémoire, quelque
difficulté, quelque ennui que 1 on
puisse y trouver. En effet, à force
d'instruire, d'avertir, de remontrer,
de reprendre, on parvient tôt ou
tard au but qu'on se propose. Déjà
les idées justes et raisonnables
qu'on n'a cessé de présenter com-
mencent, pour ainsi dire, à pren-
dre racine : les sentiments pieux
et chrétiens, c^ux de droiture et
d'honnêteté, s'insinuent insensible-
ment dans je cœur tendre et flexi-
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XA PATIENCE
61
ble des enfants bien disposés; et
enfin Ton recueille des fruits d'au-
tant plus abondants du'ils ont été
plus longtemps attendus. Un bon
Maître n'oubliera donc jamais ces
paroles de S. Jacques (i), que la
patience çontient la perfection de
F œuvre. W
Les défauts contraires à cette vertu
sont de rebuter les écoliers par des
fiaroles offensântes et grossières ; de
es rudoyer par des brusqueries,
des traitements violents et excessifs!
par des coups de la main, de la ba-
guette, du signal, etc. ; de faire des
corrections injustes, dictées par des
saillies vicieuses de l'amour-propre,
par une impétuosité qui ne prend pas
le temps de réfléchir avant que d'agir
ou de parler.
Cest par votre patience que vous
posséderez vos âmes. S. Luc, xxi, 19.
(4) S. Jacq. 4.
Digiti
62 LA BETENUE.
La patience contient la perfection
de V œuvre. S. Jacq. i, 4-
La patience vous est nécessaire^
a fin que, faisant la volonté de Dieu,
vous puissiez obtenir les biens qui
vous sont promis . Hébreux, x, 36.
VIL LA RETENUE.
La retenue est une vertu qui nous
fait penser, parler , agir avec modé-
ration, discrétion et modestie.
Elle diffère de la patience. Toutes
deux, à la vérité, doivent avoir la
modération pour compagne; mais
la première, afin de prévenir le mal,
et la seconde, afin de le supporter.
La retenue diffère de cette partie de
la prudence qu'on nomme la pré-
caution, en ce qu'elle prévient di-
rectement le mal, soit en elle-même,
soit au dehors ; au lieu que la pré-
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LA RETENUE, 63
caution ne le prévient directement
qu'à l'extérieur.
Enfin elle diffère de la gravité.
Celle-ci n'a pour objet principal
que ce qui est à l'extérieur ; mais la
retenue a pour objet essentiel non-
seulement ce qui est au dehors, mais
encore ce qui est intérieur.
Par là on comprend, en général,
que la retenue est distinguée de la
précaution et de la gravité, comme
une cause est distinguée de ses ef-
fets, comme une source diffère de
ses ruisseaux ; mais en même temps .
on conçoit que les vertus d'un bon
Maître, bien qu'elles soient toutes
différentes, sont cependant si inti-
mement unies, qu'elles se tiennent
entre elles comme par des nœuds
indissolubles, en sorte qu'on ne
peut blesser l'une sans en blesser
souvent plusieurs autres.
La retenue consiste donc à se
modérer dans les occasions que Ton
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64 LÀ IIETEÎÏUE.
rencontrerait de s'emporter, de se
fâcher; à ne se permettre rien qui
ne soit honnête et hors d'atteinte à
toute juste censure, à tout mauvais
soupçon. Elle apprend à régler toute
sa conduite, de manière que les éco-
liers ne puissent rien y remarquer
que d'imitable et de bienséant. Elle
veut qu'on agisse partout d'après les
égards, les ménagements, la consi-
dération que demandent l'innocence
3es écoliers, la faiblesse de leur âge,
leur facilité à prendre toutes sortes
d'impressions, à imiter le mal, sa-
chant qu'un mot, un geste, un souris,
un clin d'oeil, un rien en apparence
met en jea leur imagination, devient
pour eux un objet fécond de rêve-
ries, une source abondante de con-
clusions, et décide quelquefois de
leurs mœurs pour la suite.
Elle évite encore toute amitié,
toute liaison dangereuse avec eux.
Elle défend de les toucher au visage,
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LA RETENUB
65
de les caresser, de rire avec eux, de
recevoir leurs embrassements ; enfin,
elle ne perd jamais de vue l'opinion
où sont les enfants que les personnes
consacrées à Dieu doivent être sans
défaut, et au-dessus des faiblesses
ordinaires aux autres hommes; ne
faisant rien qui contredise une pa-
reille persuasion , et se souvenant
d'ailleurs que parmi ces enfants il
peut s'en trouver qui aient assez de
méchanceté pour donner les plus
malignes interprétations à des pa-
roles et à des actions, où la malice
d'un cœur déjà corrompu leur ferait
apercevoir les plus légères apparen-
ces du mal.
Comme la retenue dans les pen-
sées produit la retenue dans les
paroles et dans les actions, il est
très-important d'apprendre à bien
penser, c'est-à-dire à bien réfléchir
sur les choses, ainsi qu'à en bien
juger.
5
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LA RBTEMiK.
On pèche contre la retenue lors-
qu'on ne s'étudie pas à donner de
bons exemples, à mettre dans toute
sa conduite extérieure de la décence,
à éviter toute manière révoltante, rusr
tre, tout ce qui serait l'effet d'une
mauvaise éducation , tout ce qui
tes yeux ou les oreilles des jeunes
gens, donner lieu à des jugements
téméraires et odieux, ou diminuer
la considération et la réputation
dont un Maître a besoin pour faire
le bien, et pour mériter l'estime et
la confiance des écoliers ; en effet,
ils perdent à son égard le respect et
la soumission au moment même où
ils voient qu'il n'a pas une conduite
irréprochable ,
L'effet de la retenue est encore,
comme celui delà gravité, d'imposer
aux écoliers, de les rendre eux-mê-
mes très-réservés, et de les empêcher
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LA DOUCKUE. 67
peuvent produire les mêmes effet»
par différents principes.
Appliquez-vous avec tout le soin
possible à la garde de votre çœur,
parce qu'il est la source de la vie.
Prov. iv, 23.
Dressez le sentier où vous mettez
votre pied, et toutes vos démarches
seront fermes. Ibid. iv, 26,
Mettez à votre bouche une porte
et des serrures , fondez votre or et
votre argent, et faites une balance
pour peser vos paroles, et un juste
frein pour retenu* votre bouche..
Eccli. xxvm, 28 et 29,
*
"»' ' :' '"' , » ■ , <y t •t .,,:•»
V II I. LA DOUCEUR*
La douceur est une vertu qui nous
inspire la bonté, la sensibilité, la
tendresse ; c'est une vertu dont J.-C.
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68
LA DOUCEUR.
est le plus beau modèle, et qu'il
nous recommande spécialement par
ces paroles : Apprenez de moi que
je suis doux et humble de cœur (i).
C'est , suivant le saint Evêque de
Genève (2) , comme la fleur de la
charité , laquelle , ajoute-t-il d'après
saint Bernard, est en sa perfection
quand non-seulement eue est pa-
tiente, mais quand, outre cela, elle
est douce et débonnaire.
On distingue, en général, quatre
sortes de douceurs : la première est
celle de l'esprit, qui consiste à juger
des choses sans aigreur, sans pas-
sion , sans préoccupation de son
propre mérite et de sa prétendue
suffisance; la seconde est celle du
cœur, qui fait vouloir les choses sans
entêtement et d'une manière juste;
la troisième est celle des mœurs, qui
(1) S. Matth. xi, 29. — (2) Introduct. à la
Vie dévote, 3« part., c. 8.
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LA DOUCEUR.
69
consiste à se conduire par de bons
principes , sans vouloir réformer
ceux sur qui Ton n'a aucun droit ,
ou dans les choses dans lesquelles on
ne le doit pas; la quatrième enfin
est celle de la conduite, qui fait agir
avec simplicité, avec droiture, ne
contredisant pas les autres sans juste
sujet, sans avoir obligation de le
faire, et gardant, en ce cas, la mo*
dération raisonnable.
Toutes ces différentes douceurs ,
pour être véritables , doivent être
bien sincères : car, dit saint Fran-
çois de Sales, c'est un des grands
artifices de F ennemi, de /aire que
plusieurs s'amusent aux paroles et
aux conversations extérieures de la
douceur et de l humilité , qui, ri exa-
minant pas bien leurs affections in*
tèrieures y croient être humbles et
doux, et ne le sont néanmoins nul-
lement en effet : ce que Ion recon-
naît, parce que, nonobstant leur cé-
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70 LA DOUCEUR.
rémonieuse douceur et humilité, à la
moindre pawle qu'on leur dit de
travers, a la moindre petite injure
quils reçoivent, ils s'élèvent avec une
arrogance nonpareille.
Ce que nous venons de dire fait
comprendre combien la douceur
est une vertu singulièrement admi-
rable, puisqu'elle a l'humilité pour
compagne, et que, lorsqu'elle est
patiente, elle est même la perfection
de la charité. D'où il suit que, sous
le premier rapport, elle modère les
mouvements de la colère , qu'elle
étouffe les désirs de la vengeance, et
qu'elle fait supporter, avec une en-
tière égalité d'âme, les traverses, les
déplaisirs, les maux qui peuvent
arriver. Sous le second rapport, qui
fait son caractère le plus aistinctif,
elle se concilie l'amitié des écoliers.
C'est un principe général que l'a-
mour s'achète par l'amour : un
Maître doit donc, avant tout et par-
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LA DÔUCBUll. 71
dessus tout, prendre pour eux des
sentiments de père, et se regarder
comme tenant la place de ceux qui
les lui ont confiés ; c'est-à-dire qu'il
doit en emprunter ces entrailles dé
bonté et de tendresse qui leur sont
naturelles. Il les emprunte par la
douceur; elle lui inspire à leur égard
l'affection, la sensibilité, la bienveil-
lance, les manières engageantes et
persuasives ; elle ôte au commande*
ment ce qu'il & de dur et d'austère,
et elle en émousse la pointe. Ainsi,
elle fait leur bonheur, en les atta*
chant au Maître, et, s'ils sont rai*
sonnables, ne céderont-ils pas tou*>
jours bien volontiers à l'insinuation
et à la douceur, plutôt qu'à la con-
trainte et à la violence?
Mais développons én particulier
comment un Maître se fera aimer de
se6 écoliers pâr la douceur.
i° Il commencera par éviter les
défauts qu'il doit reprendre en eux ;
-
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LA DOUCEUR.
par exemple, les manières rudes et
grossières.
2° Il fera observer un ordre et une
police qui n'aient rien de sévère ni
de rebutant.
3° Il sera simple, patient, exact
dans sa manière d'enseigner ; et
il comptera plus sur une règle sui-
vie et sur son assiduité, que sur un
excès d'application du côté de ses
disciples.
4° Il aura une égale bonté en-
vers tous, sans acception, sans pré-
dilection , sans attention particu-
lière pour aucun, à moins qu'il n'y
ait un motif évident de sagesse ou de
nécessité.
5° Son attention, pour ne pas dis-
simuler les fautes qui méritent d'être
relevées , sera douce et vigilante :
quand il les reprendra, il ne sera ni
amer, ni choquant, ni insultant ; et
aussitôt après qu'il les aura punis, il
aura soin de dissiper l'aigreur que
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LA DOUCEUR.
73
la punition aura pu leur causer, en
les faisant convenir de leur tort, de
la raison qu'on a eue de les punir,
et en leur recommandant de ne se
mettre plus à l'avenir dans le même
cas.
6° Il tiendra une conduite uni-
forme; ce qui est d'autant plus es-
sentiel que si chaque jour trouvait
le Maître différent de lui-même, par
le changement d'humeur ou de façon
de parler, les écoliers ne sauraient
jamais bien positivement sur quoi
ils auraient à compter, et ne man-
queraient pas de le mépriser, et de
trouver ses continuelles alternatives
ridicules , insupportables, propres à
les éloigner de l'école, ou même à
leur en donner de l'aversion .
7 0 II leur donnera la liberté
d'exposer leurs difficultés , et il
leur répondra avec bonté et de
bonne grâce, autant qu'il sera né-
cessaire.
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74 LA DOUCEUR.
8* Il accordera à propos dés louan-
ges au mérite. Quoiqu'elles soient à
craindre à cause de la vanité qu'elles
peuvent inspirer, il faut tâcher de
s'en servir pour animer les enfants
sans les enivrer; car de tous les
motifs propres à toucher une âme
raisonnable, il n'y en a point de plus
puissant que l'honneur et la honte $
et quand on a su y rendre les enfants
sensibles, on a tout gagné. Ils trou-
vent du plaisir à être loués et esti-
més , surtout de leurs parents et de
ceux dont ils dépendent»
9° Il leur parlera souvent de la
vertu, mais toujours dignement et
avec éloge, comme du plus pré-
cieux des biens, pour leur en in-
spirer l'amour et y former leurs
mœurs .
io° Il leur dira tous les jours quel-
que chose d'édifiant, dont ils fassent
leur profit, pour mener une vie chré-
tienne et vertueuse.
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LA DOUCEUR.
75
1 1° Il leur apprendra la politessè
dont ils ontbesoin, et les bienséances
qu'ils doivent suivre pour être esti-
més dans le monde et y vivre avec
honneur : ainsi il s'appliquera à les
rendre respectueux, doux, honnêtes,
prévenants, obligeants envers leurs
supérieurs, leurs camarades et tout
e monde.
Il est bien important, en effet,
de combattre dans les jeunes gens
certaines dispositions directement
opposées aux devoirs communs de
la société : une gossièreté farouche
et rustique, qui empêche de faire
réflexion à ce qui peut plaire ou
déplaire à ceux avec qui l'on se
trouve; un amour de soi-même, qui
n'est attentif qu'à ses commodités et
à ses avantages ; une hauteur et
une fierté qui nous persuadent que
tout nous est dû , et que nous
ne devons rien aux autres ; un
esprit de contradiction , de criti-
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-
76 LÀ DOUCEUR.
que , de raillerie , qui condamne
tout, et ne cherche qu'à faire de
la peine : voilà les défauts aux*
quels il faut déclarer une guerre
ouverte. Des jeunes gens qui au-
ront été accoutumés à avoir de la
complaisance pour leurs compa-
gnons, à leur faire plaisir, à leur
céder dans l'occasion , à ne jamais
rien dire de choquant contre eux,
et à ne se point blesser eux-mê-
mes facilement des discours des
autres ; des jeunes gens de ce carac-
tère auront bientôt appris, quand
ils entreront dans le monde, les
règles de la politesse et de la ci-
vilité.
12° Un Maître formera le cœur,
l'esprit et le jugement des enfants
par les moyens suivants :
Pour former leur cœur, il pré-
viendra les passions et les vices ; ce
qui se fait en inspirant de l'éloigne-
ment et de l'horreur pour les occa-
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LA DOUCBUK. TI
sions du péché, en s'opposant aux
mauvaises inclinations qu'ils lais-
sent paraître, en les portant à l'a-
mour des vertus chrétiennes, en
leur enseignant la nécessité, les
temps de les pratiquer; en les en-
gageant à prendre de bonnes habi-
tudes ; en leur faisant comprendre,
par exemple, la différence qu'il y a
entre un enfant vrai et sincère, sur
la parole de qui l'on peut compter,
à qui l'on se fie pleinement, et qu'on
regarde comme incapable non-seu-
lement de* mensonge et de fourbe-
rie, mais du plus léger déguisement,
et un autre enfant à l'égard de qui
l'on est toujours en soupçon, de
qui l'on croit avoir toujours raison
de se défier, et aux paroles duquel
on n'ajoute pas foi lors même qu'il
dit la vérité.
Pour former leur esprit, un Mal»
tre les instruira avec zèle et avec af-
fection des dogmes, des devoirs de
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78 Là DOUCRUR.
la Religion, et de tout ce qui peut
les rendre des hommes capables de
se conduire par la droite raison, et
des citoyens utiles à la société ; ce
qui demande encore- qu'on pense et
qu'on parle avec eux toujours juste,
toujours raison, toujours bon sens;
qu'on les habitue à agir de même
dans toutes les occasions qui se pré-
sentent, les avertissant et leur fai-
sant connaître quand ils moquent,
relevant leurs méprises lorsqu'ils ju-
gent mal, cj^'ils parlent faut, qu'ils
{>rennent lçs choses à contre-sens;
es accoutumant à se comporter tvee
un tel discernement, qu'ils aient tou-
jours un but louable, et qu'ils soient
toujours en état de donner de bon-
nes raisons de ce qu'ils veulent, de
ce qu'ils font et de ce qu'ils disent.
Pour former leur jugement, on
leur fera remarquer- tous les rap-
ports que les choses ont les unes
avec les autres, et les propriétés qui
—Oigitized by Google
LA DOUCBtiR.
19
les distinguent entre elles, -en leur
faisant parler de ces choses selon le
discernement qu'ils ont dû d'abord
en avoir eux-mêmes, et toujours
avec justesse et exactitude ; en leur
présentant la comparaison de ce
qui est répréhensible dans leur
conduite avec ce qu'ils auraient dû
penser, dire, faire ou omettre.
Au reste, en travaillant ainsi à
former le cœur, l'esprit et le juge-
ment des écoliers, un Maître ne
pourrait encore se promettre de
réussir s'il n'évitait avec soin tout
ce qui ressentirait la dureté.
Un Maître pèche par dureté lors*
qu'il demande de ses écoliers ce qui
est au-dessus de leur portée, exi-
geant d'eux, par exemple, qu'ils ré^
pètent des leçons de catéchisme ou
autres plus fortes que leur mémoire
né leur permet de les apprendre, "ou
leur imposant des pénitences qui
. n'ont pas de proportion avec leurs
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80 LA DOUCEUR.
fautes, et ne considérant pas alors
qu'il se rend aussi coupable par
l'excès d'une punition juste, que
s'il en faisait subir une à celui qui
ne l'aurait nullement méritée.
Il pèche encore lorsqu'il exige les
choses avec tant d'empire et de hau-
teur, que les écoliers y remarquent
de l'indisposition ; lorsqu'il les leur
demande dans des temps où ils sont
mal affectés, sans faire attention
qu'ils ne sont pas en état de pro-
fiter des efforts de son zèle, pen-
dant qu'ils n'écoutent que l'empor-
tement, le dépit ou leur mauvaise
volonté.
Il pèche aussi lorsqu'il montre
une égale vivacité pour les choses
qui sont de peu d'importance et
pour celles qui sont considérables ;
lorsqu'il n'écoute jamais les raisons
ni les excuses des écoliers, se pri*
vaut par là d'un moyen de se re-
dresser lui-même, ou ne leur par*
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LA BOUCBUR.
81
donnant jamais leurs fautes, quoi-
qu'on doive en pardonner plusieurs
où il n'y a ni malice, ni mauvai-
ses suites à craindre* telles que
sont celles qui viennent d'ignoran-
ce, d'inadvertance, d'oubli, de légè-
reté, d'étourderie et autres qui sont
naturelles à leur âge ; lorsqu'il se
montre toujours mécontent de la
conduite dé ses écoliers, quelle
qu'elle soit; ne paraissant jamais
qu'avec une humeur grondeuse,
un air glacial, n'ouvrant la bouche
que pour dire des choses mortifian-
tes, désagréables, malhonnêtes* me-
naçantes, injurieuses; lorsqu'il fait
voir une prévention criminelle con-
tre eux, et qu'il interprète eri mau-
vaise part toutes léiirs actions ; lors-
qu'il exagère leurs fautes ; lorsqu'il
agit à leur égard comme si c'étaient
des êtres insensibles , dénués de
raison ; par exemple, les saisissant,
les tirant, les frappant avec violence
6
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82
LA DOUCEUR.
et emportement; ce qui ne pourrait
être que l'effet d'un transport de co-
lère dont un Maître, plus que tout
autre, doit être incapanle ; lorsqu'il
punit les fautes douteuses comme
celles qui sont certaines ; lorsqu'il
ne se laisse jamais fléchir par les
écoliers, et qu'il ne leur fait aucune
grâce, même dans les cas où ils ne
sont coupables que de manque-
ments légers, comme seraient d'a-
voir accidentellement mal écrit une
page, d'être venu une fois tard à
l'école, d'avoir manqué une fois de
suivre la leçon : et que leurs fautes
ne sont ni contre la religion, ni
contre les mœurs; telles que se-
raient les actions et les discours
contre la pureté, les jurements, les
batteries, les désobéissances, le vol,
le mensonge, les irrévérences dans
l'église et dans les prières. Toute
cette conduite ôte aux enfants l'a-
mour du travail et le goût du bien,
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LÀ DOUCEUR. 83
les rebute, les fait crier à l'injustice.
Un Maître doit se persuader,
i°que les punitions corrigent moins
que la manière dont on les fait;
2° qu'en imprimant une crainte ex-
cessive, par la rudesse et la rigidité,
il abrutit l'esprit, abâtardit le cœur,
fait perdre tout.sentiment honnête,
donne de l'horreur pour l'école et
pour l'instruction ; 3* que trop de
roideur à ne jamais se relâcher en
rien empêche les corrections d'être
utiles ; 4° qu'il peut gagner par une
sage modération ceux qu'il ne ferait
qu'irriter par une austérité indis-
crète ; 5° qu'il ne pourra jamais se
faire craindre utilement s'il n'inspire
aux enfants la crainte de Dieu, de
ses jugements et de ses châtiments ;
que s'ils la méprisent, ou si elle ne
fait sur eux aucune impression,
toute son autorité sera impuissante
pour se faire craindre lui-même.
Au reste, il ne faut pas oublier
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84 M« boucjsuh.
que si la douceur est pleine de cha-
rité, elle doit pareillement être fer-
me. La charité peut bien attirer
pour un temps le cœur des écoliers,
mais elle ne suffit pas, quand ils
viennent à se relâcher, comme ils
font quelquefois ; il faut que la fer*
meté vienne au secours pour les re-
tenir dans le devoir, ou pour les y
remettre quand ils s'en éloignent.
Mon fils, dit le Sage (i), accom-
plissez vos œuvres avec douceur, et
vous vous attirerez non-seulement
V estime, mais aussi î amour des hom-
mes. Sur quoi un commentateur re-
prend (2) : « Le Sage veut qu'on ait
» de la douceur, et qu'en même
» temps on fasse parfaitement ce que
» 4 l'on fait, pour montrer qu'il veut
» que cette douceur soit ferme. »
La fermeté, d'après les paroles de
l'Ecriture que nous venons de citer,
0) Eocli. m, 19 } — (2) Sacy.
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LA DOUCEUR.
consiste donc dans une exacte fidé-
lité à observer tout ce qui peut con<-
duire à la fin qu'on se propose :
ainsi elle exige dans un Maître de la
force, du courage et de la constance.
De la force, pour s'opposer à tout
ce qui pourrait être contraire au bon
ordre, et pour se mettre au-dessus
(de toutes les difficultés et de tou-
tes les peines de l'école ; elle est né*
cessaire, par exemple, quand un
Maître arrive pour la première fois
dans une classe ; car le premier soin
d'un écolier, en cette occasion, est
d'étudier et de sonder le nouveau
Maître pour en découvrir quelque
faible, s'il en a, et pour en profiter;
quand il voit, au contraire, que,
paisible et tranquille, ce Maître op-
pose à ses ruses et à ses tentatives
une fermeté douce et raisonnable, il
se soumet et se range à son devoir.
Du courage, pour tenir la main à
tout ce qui peut produire ou conser-
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86
LA DOUCBCB.
ver le bon ordre et l'avancement des
écoliers.
De la constance, pour persévérer
inviolablement dans ses bonnes dis-
positions; pour franchir généreuse-
ment les obstacles, les oppositions,
les embarras, malgré même le peu
d'espérance du succès.
Le grand point dont il s'agit ici,
est de faire une juste application
d'une douceur ferme à la conduite
des enfants ; et pour cela, il est es-
sentiel d'avoir attention aux circon-
stances particulières où ils se trou-
vent, pour allier sagement la douceur
avec la fermeté; ainsi la douceur
n'empêche pas sans doute qu'on ne
punisse les fautes qui doivent être
corrigées ; mais elle ne permet pas
qu'on use d'une fermeté inflexible,
si ce n'est lorsque les voies de la dou-
ceur et de l'exhortation, toutes les
sages industries, les avertissements
réitérés, les pensums et autres péni-
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LA DOUCEUR. 81
tences ordinaires, avec tous les pro-
cédés raisonnables, ont été em-
ployés; lorsque tout cela n'a pu cor-
riger ni vaincre une humeur récalci-
trante, une désobéissance opiniâtre,
accompagnée d'un air de mépris et de
révolte, une paresse décidée, l'omis-
sion de l'école, les négligences no-
, tables et habituelles, les dégoûts et
l'aversion pour l'étude, la duplicité
et le déguisement, la flatterie, la
{>ente aux rapports, aux divisions, à
a médisance, un esprit moqueur,
etc., se souvenant toujours qu'une
rigueur inexorable de la part d'un
Maître éloigne et révolte ordinaire-
ment les écoliers, les parents, et tout
le monde ; à moins qu'elle ne soit
devenue évidemment nécessaire.
La douceur ne permet pas même
qu'en punissant on se serve unique-
ment de l'autorité. Lorsque l'auto-
rité agit seule, elle peut bien con-
traindre les coupables ; mais elle ne
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88 LA DOCCEUR.
les corrige pas. Si des manières im-
périeuses leur inspirent un respect
forcé, ils obéissent pendant qu'on les
observe et qu'on est avec eux : ils ne
peuvent pas s'en dispenser; mais ils se
démentent dès qu'on les perd de vue.
Il faut donc, pour faire un juste
mélange de la douceur avec la fer-
meté, ne donner dans aucun des in-
convénients de l'une ni de l'autre.
C'est cet heureux mélange qui pro-
cure au Maître l'autorité (i) qui est
Tâme du gouvernement, et qui in-
(i) Cette autorité est un certain ascendant
qui imprime le respect et la soumission. Ce
n'est ni l'âge, ni la grandeur de la taille, ni le
ton de la voix, ni les menaces qui donnent l'au-
torité, mais un caractère d'esprit égal, ferme,
modéré, qui se possède toujours, qui n'a pour
guide que la raison et qui n'agit jamais par ca-
price, ni par emportement. Ce qui la donne en-
core c'est le sage mélange de la douceur et de
la fermeté, del'amour et de la eninte. L'amour
doit gaguer le cœur des enfants sans les amol-
lir, et la crainte doit les retenir sans les rebuter.
^Nous allons rapporter les principaux moyens
d'établir ou de conserver l'autorité. Plusieurs
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I*A POWCPUB. 89
spire aux disciples le respect, c'est-
à-dire le lien le plus ferme de l'o-
de ces moyens se trouvent, à la vérité, épars çà
et là dans le cours de l'ouvrage ; mais nous ju-
geons à propos de les réunir ici tous ensemble*
Ils sont : 1° de ne jamais user du pouvoir d'un
Maître hors de propos, sans raison, sans ré-
flexion, ni pour des choses qui n'en vaudraient
pas la peine ;
2° De faire exécuter ce qu'on a une fois com-
mandé justement ;
3° D'être ferme h ne point accorder cq qu'on
a eu raison de refuser, quand les circonstances
n'ont point changé;
4 il De ne pas faire légèrement des menaces,
mais de tenir celles qu'on a faites si les enfants
y donnent lieu, et de n'être jamais injuste ;
5° D'imprimer aux écoliers une crainte res-
pectueuse, et de la maintenir;
6° D'avoir toujours une marche bien réglée
dans la manière de les conduire ;
7° D'être invariable dans sa conduite, en
sorte que les écoliers sachent qu'ils trouveront
toujours dans leur instituteur un Maître qui
fera faire le devoir et respecter le bon ordre;
8° D'être égal envers tous, de n'avoir de pré-
dilection pour aucun; car celui qui jouirait
d'une amitié exclusive, en deviendrait auda-
cieux, insolent ; et les autres qui en seraient
privés deviendraient jaloux, mutins, indociles :
ce qui n'empêche pas néanmoins de marquer
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90 LÀ DOUCEUR. 1
béissance et de la soumission ; de
sorte que ce qui doit dominer de
de la satisfaction, d'accorder des éloges, des
récompenses à ceux qui font bien, et de témoi-
gner du mécontentement à ceux qui font mal;
9° De ne pas se familiariser avec les élèves;
40 # D'agir toujours de manière qu'on ne
puisse jamais être dans le cas de paraître avoir
tort à leur égard ;
11° De ne les regarder en aucune manière
comme des esclaves ; mais en même temps de
se comporter toujours envers eux avec tant
de dignité et de réserve, qu'ils ne puissent ja-
mais se mettre de pair avec leur Maître;
12° De ne donner à chacune des choses qu'on
a à leur dire que la juste importance qu elles
ont. Ce serait être ridicule que d'en mettre beau-
coup où il n'y en a que peu ou point du tout.
De même ce serait manquer de justesse que de
n'en mettre pas, ou de n en mettre presque pas
dans des choses essentielles, soit è l'ordre géné-
ral de la classe, soit au bien particulier des élèves;
13° De parler peu quand on prescrit quelque
chose, et de se iaire obéir;
14° De ne point abuser de l'autorité en deman-
dant trop ou trop rigoureusement ce que l'on
peut exiger ; comme dans le cas où un écolier
ne pourrait ou ne voudrait point apprendre ce
qu'on lui aurait donné à étudier, si 1 on doublait,
si Ton triplait la tâche qui aurait été donnée :
encore comme dans le cas où il refuserait de
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LA DOtJCBUH. 91
part et d'autre, et prendre le dessus,
c'est la douceur et l'amour.
Il faut d'ailleurs éviter soigneuse-
ment tous les défauts opposés à la
fermeté. Ainsi l'on évitera première-
ment la faiblesse. Un Maître pèche ,
par faiblesse, et se rend coupable
des fautes qu'il doit punir, lorsqu'il
ne les punit pas, ou lorsqu'il tolère
que les écoliers fassent ce qu'ils veu-
lent, ne gardant pas l'ordre, se pro-
mettant l'impunité dans leurs man-
quements.
Secondement, il évitera une lâche
complaisance, une molle condescen-
dance. Un Maitre pèche de cette ma-
faire une pénitence si on l'augmentait, ce qui
le réduirait au désespoir, au dépit, le rendrait
insensible, le porterait même à la révolte;
i8° De proportionner la tâche du devoir à la
capacité et au caractère de chaque écolier ;
46° Quand on a affaire à des caractères durs
et opiniâtres, de ne leur pas céder ; de ne se
relâcher jamais de la juste fermeté qui doit les
réprimer.
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02 LA DOUCEUR,
nière, lorsqu'il ne fait point usage de
tous les moyens qui lui sont donnés
pour réussir dans son emploi ; lors-
qu'il varie dans sa conduite, et qu'il
se relâche mal à propos d'une juste
fermeté-; lorsqu'il regarde comme
léger ou indifférent ce qui serait un
mal réel et considérable; lorsque,
par des considérations particulières,
quelles qu'elles soient, il tolère ou
permet ce qui ne doit pas être souf-
fert ; lorsque, ne voulant pas se gê-
ner, il ne donne pas l'attention né-
cessaire à la bonne discipline de la
classe ni à l'avancement des écoliers,
et qu'il ne reprend pas toutes les
fautes qui y sont contraires; lors-
qu'il souffre qu'on méprise ou
qu'on néglige ce qu'il prescrit ou
recommande justement ; lorsqu'il
parle nonchalamment, qu'il agit
aune manière indolente, indiffé-
rente, sans faire paraître qu'il veut
tout de bon le devoir; lorsqu'il se
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LA DOUCEUR. 93
contente de faire des avertisse-
ments stériles sans en poursuivre
l'effet.
Troisièmement, il évitera une trop
grande communication avec les éco-
liers. Elle engendre le mépris, l'in-
subordinati<yi , l'éloignement pour
le travail, pour l'application; elle
rend les écoliers volontaires, indo-
ciles, rebelles; elle entretient la pa-
resse et d'autres vices, nuit aux pro-
grès, laisse naître et fortifier les
mauvaises habitudes : le Maître s'ex-
pose alors à manquer de la résolu-
tion et de la fermeté nécessaires ; il
est tourné en dérision par les éco-
liers, et il se prête mal à propos
à leurs désirs par bassesse d'âme,
par une timidité répréhensible. Il
doit être affable sans doute, mais
son affabilité ne lui permet pas de
se familiariser avec eux.
. Quatrièmement, il évitera les au-
tres défauts contraires à la. fermeté,
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94 LA DOUCEUR.
qui sont l'inconstance, une timidité
excessive, un air honteux, neuf, em-
prunté, troublé, embarrassé ; ainsi
que l'opiniâtreté, l'entêtement, la
présomption , une inflexibilité qui
ne cède ni à la raison, ni à l'autorité
légitime, ni à la force. .*«
Passons présentement à ce qui re-
garde les châtiments. Nous avons vu
qu'un Maître procure le bien de ses
écoliers par une douceur charita-
ble, et qu'il le soutient par une dou-
ceur ferme : il nous reste à montrer
ici qu'il prévient ou qu'il corrige le
mal par une douceur sage et pru-
dente.
D'abord il s'interdit l'usage des
châtiments corporels. Il est vrai que
souvent l'Ecriture sainte porte les
parents à ne pas épargner cette sorte
de punition, quand elle est nécessai-
re, pour corriger leurs enfants ; mais
dans les écoles chrétiennes elle au- •
rait beaucoup moins d'utilité que
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■
LÀ DOUCEUR. 95
d'inconvénients; aussi, en est-elle
bannie depuis longtemps : les Frères
emploient d'autres moyens pour
punir les fautes de leurs élèves.
Lorsqu'ils ont des écoliers d'un
caractère grossier, intraitable, dur,
mdocile, insensible à la réprimande
et à l'honneur, il faut bien qu'ils
opposent aux vices naissants des
peines corporelles capables de ra-
mener au devoir ceux qui ne sau-
raient être corrigés par des moyens
plus doux ; mais le parti le plus
sage, à l'égard des*enfants qui ne
profitent pas des punitions ordi-
naires, c'est de les renvoyer aux pa-
rents,' en observant néanmoins ce
que prescrit la Conduite en pareil
cas.
Au reste on peut se servir des
moyens suivants pour prévenir les
corrections, ou pour les rendre rares
et très-utiles.
Premier moyen. i° On formera de
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96
LA DOUCEUR»
bonne heure les écoliers à la subor-
dination, en employant à cet effet
une fermeté , une égalité de con-
duite dont on ne s'écartera pas, et
en les reprenant, quand ils y don-
neront lieu, avec autorité, c'est-à-
dire avec une certaine manière d'agir
et de parler qui ait de l'énergie, de
la force, qui ressente le Maître, le
Supérieur : autrement les écoliers
s'élèveraient contre le Maître ou se
mettraient, de niveau avec lui ; ils s'é-
carteraient de la soumission, de l'or-
dre, et feraient de qu'ils voudraient.
2« On ne se permettra jamais d'à*
gir par passion, par humeur, par
caprice. C'est là un des plus grands
défauts en matière d'éducation,
parce qu'il n'échappe jamais aux
yeux clairvoyants des écoliers, parce
qu ? il rend presque inutiles toutes les
bonnes qualités du Maître, et qu'il
ôte à ses avis et remontrances pres-
que toute autorité.
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LA. DOUCEUR. 97
3° Ôn inspirera aux enfants le re-
mords et la honte de leurs fautes,
plutôt que la crainte de la punition
qu'elles méritent.
4° On doit bien discerner les fau-
tes qui méritent d'être punies et
celles qu'il faut pardonner. D'ail-
leurs on ne doit pas imposer la même
punition pour des fautes involontai-
res et d'inadvertance, que pour celles
qui sont réfléchies et de malice (i).
5° On attachera une idée de honte
et de châtiment à mille choses qui
peuvent être indifférentes, comme
d'être à genoux sur une pierre dé-
signée, et qu'on appellera, si l'on
veut, pierre de confusion ou d'igno-
minie, sans qu'on y laisse néan-
moins trop longtemps le coupable,
de peur qu'il n'en soit incommodé ;
d'être à une dernière place de quel-
(t) Cet article se développera davantage ci-
après.
7
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98
LA t>OtCEUR.
que banc, de quelque table ou du
côté de là porte; d'être à la queue
des rangs ; d'être assis par terre au
milieu de la classe ; d'être debout
auprès d'Unô muraille, sans la tou-
cher ; de tenir un livre à deux mains
pendant une heure, restant debout
au milieu de la classe, sous peine
d'autres punitions si le coupable y
manque; et toujours en lui mon* .
trant un visage froid, mécontent,
triste, toutes les fois et aussi long-
temps qu'il fait mal ou qu'il ne fait
pas ce qu'il' doit.
6° On ne leur imposera que des
pénitences justes, en préférant néan-
moins les plus douces , lorsqu'elles
peuvent opérer les mêmes effets;
évitant toujours celles qui peuvent
nuire à l'instruction, comme de frap-
per un écolier lorsqu'il ne s'y at*
tend pas : ce qui tiendrait les en-
fants dans la crainte, le trouble et
inquiétude, quand ils verraient ve^
Digitized by
LA DOOCfitm.
nif leur Maître auprès d'eux, et les
rendrait plus attentifs à se garantir
des coups qu'ils croiraient le Maître
capable de leur donner à l'impro*
viste, qu'à ce qu'il aurait à leur dire
pour l'enseignement.
7" La crainte que l'on doit inspi-
rer aux enfants, pour l'avenir comme
pour le passé* sera moins celle de la
punition que celle du mal qui y don-
nerait lieu, et qu'ils doivent éviter
avec soin.
8° On préférera des -pénitences
utiles aux châtiments corporels.
On donnera donc, par exemple,
avec les punitions déjà indiquées,
quelques chapitres du catéchisme
ou autre semblable leçon à étudier
et à répéter sans faute; des pages
d'écriture, d'orthographe, des rè-
gles de calcul ; tout cela à faire mê-
me à la maison. Ces punitions au-
ront le double avantage d'occuper
utilement lés enfants hors le temps
Digitized
100
LA DOUCEUR.
des classes, de les accoutumer à un
travail assidu, de les tenir éloignés
du jeu et des mauvaises compagnies,
et de contribuer à leur avance-
ment.
9° On ne rendra pas une même
pénitence journalière et ordinaire:
les écoliers ne la craindraient plus
et s'en feraient un jeu ; mais on di-
versifiera les punitions.
10 On s'appliquera à étudier le
temps favorable et la manière con-
venable de donner une pénitence
avec plus de fruit. Ainsi, on ne cor-
rigera pas toujours un enfant dans
l'instant même de sa faute, surtout
lorsqu'il est mal disposé, de peur de
l'aigrir, et de lui en faire commettre
de nouvelles en le poussant à bout.
On lui laissera le temps de se re-
connaître, de rentrer , en lui-même,
de sentir son tort, et en même temps
justice et la nécessité de la puni-
tion ; et par là on le mettra en état
Digitized by
LA DOUCEUR.
m
d'en profiter. Le Maître, de son cô-
té, ne doit jamais punir par colère,
surtout si la faute qu'il punit le re-
garde personnellement, comme se-
rait un manque de respect, une in-
solence, une injure, quelque parole
choquante. Pour peu qu'il paraisse
d'émotion sur son visage ou dans
son ton, l'écolier s'en aperçoit aus-
sitôt; itaent bien que ce n'est pas le
zèle dû devoir, mais l'ardeur de la
passion qui a allumé ce feu ; et il
n'en faut pas davantage pour faire
perdre tout le fruit de la punition ;
parce que les enfants, tout jeunes
qu'ils sont, sentent qu'il n'y a que la
raison qui ait droit de les corriger.
Le second moyen de prévenir ou
de rendre les punitions rares, c'est
d'instruire, de reprendre et de me-
nacer avant de punir. On doit donc
commencer par bien instruire un
enfant de ses devoirs. Y manque-t-il
ensuite ? Si c'est par impuissance et
Digitized by
U DOUCEIJB.
par incapacité, on l'excuse, parce
que l'on ne peut exiger de lui ce qui
est impossible, Si c'est par oubli,
par inadvertance, sans malice, on
l'avertit. Si c'est par malice, on l'a-
vertit aussi , mais avec force j s'il
continue, on le reprend ; s'il récidive
de nouveau, on le menace; s'il n'y
a point d'amendement, on punit.
Ainsi la punition est le dernier effort
que l'autorité du Maître dofpfrii faire
employer popr soumettre un écolier
coupable.
Les avertissements pour les fautes
ordinaires doivent être fréquents,
autant que les enfants y donnent
lieu, toujours honnêtes et faits avec
bonté et d'une manière qui en-
gage à les bien recevoir. Il faut donc
éviter de leur faire penser qu'on est
prévenu, de peur qu'en attribuant
qu'on leur remarque, II ne faut pas
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LA DOUCEUR.
103
non plus qu'ils aient lieu de croire
qu'on ne les leur donne que par
quelque intérêt naturel, par quelque
passion particulière, et enfin par
quelque autre motif que par celui
de Jeur bien .
L'usage des réprimandes ne doit
pas être trop commun ; et en cela il
y a une grande différence entre elles
et les avertissements. Ceux-ci sen-
tent moins l'autorité d'un Maître que
la bonté d'un ami : ils sont toujours
accompagnés d'un air et d'un ton de
douceur qui les font recevoir plus
agréablement; et, par cette raison,
on peut s'en servir souvent, ainsi que
nous venons de le dire j mais comme
les réprimandes piquent toujours
l' amours-propre, et que souvent elles
empruntent un air et un langage
sévères, il faut les réserver pour des
défauts plus considérables, et par
conséquent en user\% rarement,
Mais d'ailleurs elles doive** re fai-
Digitized by
LA DOUCEUR.
tes toujours sans dureté, ni mépris,
ni exagération, ni colère dans les
paroles, sans prévention, et de ma-
nière que les écoliers étant bien dis-
posés, ils soient confus et repentants
de leurs fautes, portés à s'en corri-
ger avec une ferme résolution, d'a-
près les bons motifs qu'on leur aura
suggérés. On doit, au reste, se don-
ner de garde, aussitôt après la ré-
primande, de montrer la même
sérénité et la même affection à l'éco-
lier qu'à l'ordinaire; car il s'accou-
tume à ce manège, et il sait que les
réprimandes sont un orage de courte
durée qu'il n'a qu'à laisser passer.
On doit donc différer de lui par-
donner jusqu'à ce que son applica-
tion à mieux faire ait prouvé la sin-
cérité de son repentir.
Quant aux menaces, comme elles
approchent plus de la punition que
les réprimandes, elles doivent être
encore plus rares. Il ne faut les em-
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LÀ douceur. 105
ployer que pour des sujets bien lé-
gitimes, et jamais sans avoir aupa-
ravant examiné si l'on pourra ou si
l'on devra les exécuter : autrement
il faut s'en abstenir; car si l'on en
faisait quelques-unes mal à propos
elles deviendraient inutiles, et les
coupables s'enhardiraient dans leurs
fautes par une espèce d'assurance de
l'impunité.
On emploie un troisième moyen
de prévenir ou de rendre rares les
corrections, en prévenant ou en ren-
dant rares les fautes des écoliers.
C'est ce qu'on fait en usant de tout
ce qui peut les porter au devoir et
les y maintenir, comme les louanges
accordées justement et à propos,
mais de manière qu'elles ne donnent
pas lieu à la vanité, ainsi que nous
l'avons fait observer, ni au mépris
des autres. On montre un air de sa-
tisfaction et de joie envers ceux qui
font bien. On donne des marques
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106
L4 DOUCEUR.
particulières de considération et
d'estime , des privilèges, des récom-
penses distinguées, qui consistent
non en frivolités ni en inutilités,
mais en choses solides et édifiantes.
On le fait encore en rendant de bons
témoignages d'eux aux parents et à
ceux qui les intéressent ; en les avan-
çant autant que la choseest possible ;
en relevant l'avantage qu'il y a d'être
instruit de tout ce qui fait l'homme
de mérite, daus quelque état qu'il
soit, etc. Il n'est pas douteux que
tous ces traitements ne fassent, sur
l'esprit des enfants, plus d'effet que
les menaces ou les punitions.
Dans les éditions précédentes, on a placé
ici, comme faisant suite importante à la
vertu de Douceur, l'Explication des condi-
tions que le vénérable de La Salle requiert
au sujet de la correction. L'auteur l'avait
ajoutée originairement en forme de, post^
scrjptum à la fin de cet opuscule.
Les conditions que la correction
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LA DOUCEUR. 107
doit avoir , selon notre vénérable
Fondateur, 6ont au nombre de dix :
les sept premières sont celles que
la correction doit avoir pour être
salutaire à celui qui la fait 5 et les
trois autres, celles que la correction
doit avoir pour être salutaire à celui
qui la reçoit.
SI.
»
Des sept conditions que doit avoir la
correction pour être salutaire à
celui qui la fait.
i° Elle doit être pure, Sans doute
il faut avoir en vue, dans la correc-
tion, comme dans toutes nos actions
en général, la gloire de Pieu et l'ac-
complissement de sa sainte volonté;
mais d'ailleurs il faut se proposer
encore pour motif l'amendement de
l'écolier qu'on corrige, en sorte
qu'il n'y ait aucun mélange d'hu-
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108
LA DOUCEUR
eur, d'aversion, d'antipathie, de
2° Elle doit être charitable. On
doit corriger un enfant, par la rai-
son qu'on l'aime. Un Maître, est
comme un médecin, et non comme
un ennemi. // semble, dit saint Au-
gustin (i), cité par un Commenta-
teur de l'Ecriture (2), qu'un médecin
persécute son malade • mais il ne
persécute en effet que sa maladie.
Il traite la maladie ^parce qu'daime
le malade; et il ne fait souffrir celui
quil aime que pour le délivrer du
mal qu'il souffre. C'est ainsi qu'un
Maître agit à l'égard des enfants lors-
qu'il les corrige : sa rigueur appa-
rente est une grâce, et les maux qu'il
leur cause sont des remèdes.
3» Elle doit être juste. Toute pu-
(1) De Temp. Serm. 137.
(2) Sacy, sur le C. ni, 12. Prov. 12.
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LA DOUCEUR.
nition suppose nécessairement une
faute : on ne doit donc corriger que
pour une faute certaine. De même
une punition grave ne doit être em-
ployée que pour punir une faute
grave, ou dans sa qualité, ou dans
les suites qu'elle peut moralement
entraîner.
La punition peut quelquefois être
moindre; mais elle ne doit jamais
excéder : autrement ce serait blesser
non-seulement la justice, mais en-
core la raison ; ce serait en effet se
conduire par préjugé, et même don-
ner lieu de penser que Ton punirait,
parce qu'on aimerait à punir, ou *
par quelque autre mauvais motif.
4° Elle doit être convenable. Il
faut avoir égard à l'âge, au carac-
tère, au tempérament, aux disposi-
tions de l'écolier qu'on veut corri-
ger, même à celles de ses parents,
afin que la punition soit exactement
proportionnée à la faute , aux cir-
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■
110 LJk DOUCEUR.
constances* et à la fin qu'on doit se
proposer,
5° Elle doit être modérée, c'est-à-
dire qu'elle ne soit ni trop forte, ni
précipitée. Trop forte, elle pourrait
aigrir, révolter, donner lieu à la
haine ou décourager ; précipitée y
elle pourrait n'être pas juste ni con-
venable.
60 Elle doit être paisible, c'est-à*
dire qu'elle soit faite sans trouble,
sans impatience, sans emportement,
sans fâcherie, et même ordinaire*
ment en silence, à moins qu'on ne
parle bas et seulement dans un be-
soin indispensable,
70 Elle doit être enfin prudente,
et c'est une des conditions à laquelle
il faut encore faire une singulière
attention ; car avant de punir, la
prudence veut qu'on s'assure des dis-
positions du coupable et de celles
où Ton se trouve soi-même. On pu*
nirait en vain un écolier qui a 1 es*
Digitized by Google
LA DOUCEUR
Ut
prit aigri , révolté, chagrin, rempli
de fiel : il doit être préparé à la pu-
nition s'il est capable de raison, et
le Maître doit y être préparé lui-
même par la réflexion.
La prudence veut qu'on juge de
la faute et de la punition qui doit
être imposée. Comme il y a de la dif-
férence entre les fautes commises
{)ar malice, par obstination, et cel-
és qui sont commises par inadver-
tance, par fragilité, il aoit y avoir
aussi de la différence entre les peines
dont on les punit.
La prudence veut qu'on n'accou-
tume pas trop les enfants aux puni-
tions 5 ils pourraient y devenir in-
sensibles, et les châtiments seraient
sans fruit.
La prudence veut encore qu'on
examine la manière de punir, le
temps, les circonstances, les occa-
sions, en un mot ce qui est propre
à rendre la correction utile ; qu on
Digitiz
112 LA DOUCBUR.
considère le caractère, l'âge, le tem-
pérament, tout ce qui regarde les
enfants qu'on a à corriger, afin de
se régler pour le traitement qui doit
leur être fait : car la punition doit
être imposée si parfaitement à tous .
égards que, loin d'avoir de mauvai-
ses suites, elle ne procure, au con-
traire , que des fruits avantageux
- pour les coupables.
C'est par cette raison qu'il ne faut
pas punir les enfants d'un esprit ti-
mide, docile, qui avouent leurs fau-
tes, comme ceux qui sont mutins,
entêtés, durs, qui nient leurs fautes,
qui résistent, etc. C'est aussi par
cette raison qu'il faut épargner, au-
tant que l'on peut , surtout aux
grands écoliers, la honte du châti-
ment, si leurs fautes sont ignorées
des autres : de même qu'on doit car-
der le secret de la punition des Fau-
tes contre la pureté, lorsqu'elles ne
sont pas connues, ou qu'elles ne le
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tk DOUCEUft.
H3
sont que dé peu d'écoliers, pour
conserver l'honneur des Coupables.
§ H*
Des trois conditions que la correc-
tion doit avoir pour être salu-
taire à celui qui la reçoit.
i » Elle doit être volontaire , c'est-
à-dire qu'elle soit reçue sans résis-
tance, et qu'elle soit acceptée de bon
gré. Le motif dont il faut se servir
pour engager celui qu'on punit à
y consentir, c'est de lui représenter
la erandeur de sa faute, et la néces-
site où il est de la réparer, soit
pour son avantage particulier, soit
pour le bon exemple qu'il doit don-
ner à ses compagnons .
2° Elle doit être respectueuse, en
ce que l'écolier qui la reçoit doit re-
connaître l'obligation que son Maî-
tre a de le punir s'il fait quelque
faute, et, par une suite nécessaire,
8
Digitized by
m LA DOUCEUR.
celle où il est de se soumettre à la
punition lorsqu'il est coupable.
3° Elle doit être silencieuse, en ce
sens qu'il faut la recevoir sans par-
ler, sans crier, sans se plaindre, sans
murmurer, autrement on prouve-
rait qu'on ne la reçoit ni volontai-
rement, ni avec respect.
D'après tout ce que nous venons
de dire, il est facile de conclure que
la douceur sage et prudente, qui
convient à un bon Maître, n'empê-
che pas dans les châtiments la fin
qu'il se propose de remplir , et qu'elle
y conduit même avec le plus grand
succès. Il fera donc remarquer aux
enfants qu'il les aime toujours, et
que c'est uniquement pour leur
bien, par nécessité, à regret, qu'il
les punit ; que ce serait leur porter
un très-grand préjudice que cie les
laisser se livrer au vice et contracter
de mauvaises habitudes ; que c'est à
Digitized by Google
LA DOUCEUR. 415
leur âge qu'ils doivent prendre la
forme qu'ils devront avoir toute
leur vie ; que pour devenir propres
au commerce du monde et aux de-
voirs qu'ils auront à remplir, rien
ne leur est plus important que d'ê-
tre redressés, corrigés, quand ils y
donnent lieu, et instruits de ce qu'ils
doivent savoir; que la peine qu'ils
ressentent dans le moment produira
des fruits utiles pour la- suite de
leur vie, et qu'ils seront bien aises,
dans un âge plus avancé, d'avoir ac-
quis des talents dont ils sentiront
alors tout le prix, tout l'avantage,
et qui les rendront agréables à ceux
avec qui ils se trouveront.
Il est encore facile de comprendre
que la vraie douceur'd'un bon Maî-
tre consiste à ne chercher, dans les
sentiments de bonté dont il est rem-
pli, que l'amendement, le bien de
ceux qu'il punit, et le succès de son
ministère et de ses soins; à n'exiger
Digitized by
416 Lk bôucÉufc.
tien qu'avec circonspection, et à
attendre avec patience les moments
favorables pour obtenir cequ'il veut.
Enfin, il est aisé de sentir avec
quel soin un Maître doit éviter là
causticité et l'ironie. Loin d'être des
moyens propres à corriger les éco-
liers, elles ne peuvent au contraire
qu'indisposer leur esprit contre le
Maître, que rendre inutiles, ou
presque entièrement inutiles les ef-
forts de son zèle. Car on sait qu'un
écolier qui manque d'estime et d'at-
tachement pour un Maître, dont la
manière injurieuse lui a blessé, ul-
céré le cœur, ne reçoit ordinaire-
ment qu'avec la plus grande répu-
gnance non-seulement ses correc-
tions et ses avis, mais encore toutes
ses instructions. Il se souvient pres-
que toujours que son Maître a eu
l'indignité, l'indécence, la bassesse
de sè moquer de lui et de lè ridi*
culiser pour ses défauts de corps,
Digitized by Google
d'esprit ou autres, au lieu de l'avoir
averti, corrigé honnêtement, et de
lui avoir attiré l'amitié de ses com*
pagnons,
Voici plusieurs autres défauts qui
sont contraires à la douceur, savoir :
les vivacités, )es saillies impétueuses
d'un naturel trop ardent; une hu-
meur noire, bizarre, bourrue, fan^
tasque; les airs sombres, farouches;
les manières dures et méprisantes 5
un visage fier, sévère; les paroles
aigres, chagrines, pleines de fiel,
insultantes (que les écoliers ne man,
quent guère de rapporter aux pa*
repts pour les indisposer contre le
Maître et justifier leur propre ai-,
greur contre lui, leur aversion pour
l'école); les agitations Yioleptes, la
turbulence, les corrections précipi-.
tées, indiscrètes, brutales, redoun
blées sans juste fondement, et por-,
tées au delà des bornes de la justice
et 4e la charité; ce qyi avilit et fait
Digitized
i 18 LA DOUCEUR.
détester l'autorité, laquelle, étant re-
gardée, en ce cas, comme tyranni-
que, ne peut manquer d'occasionner
des soulèvements , des haines, des
malédictions, enfin une sensibilité
qui éclate quand on reçoit quelque
mépris ou quelque insulte.
Il y a cependant une colère qui
est une vertu : c'est celle qui n'est
excitée que par un grand désir de
procurer le bien, de s'opposer au
mal, de maintenir le bon ordre, la
police qui doit être gardée. Elle est
nécessaire; mais il faut qu'elle soit
réglée par la raison, proportionnée
aux fautes, à l'intérêt que l'on doit
prendre aux choses, et toujours telle,
qu'on se possède soi-même. On doit,
en ces circonstances, montrer cette
espèce de colère, soit pour faire
connaître qu'on est fondé à exiger
ce qui est bien, et à s'indigner con-
tre les manquements qu'on cherche
à reprendre, soit pour porter ceux
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LÀ DOUCttJR. 119
qui font mal à se condamner* à se
réformer eux-mêmes; mais il faut
qu'elle soit toujours conforme à ce
que dit le Prophète (i) : Mettez-vous
en colère ; mais gardez-vous de pé-
cher.
La colère dont on doit se garder,
et qui est un péché, est celle qui
vient d'une émotion déréglée de
l'âme, qui porte à se venger ou à
se soulever avec violence contre ce
qui déplaît. Cette colère trouble le
jugement et aveugle la raison.
Mon fils, accomplissez vos œuvres
avec douceur, et vous vous attirerez
non-seulement t estime, mais aussi
1 amour des hommes. Eccli. m, 19.
apprenez de moi que je suis doux
et humble de cœur. S. Matth. xi, 29.
BienJieureux ceux qui sont doux,
parce qu'ils posséderont la ten'e.
S. Matth. v, 4.
(1) Ps. iv, 5.
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120 LE ZÈLE.
' — : = ~
IX. LE ZÈLE.
Le zèle est une vertu qui nous fait
procurer la. gloire de Dieu avec une
grande affection.
Un Maître zélé enseigne d'abord
ses disciples par de bons exemples ;
c'est la première leçon qu'il donne
pour imiter J,<-C., qui a commencé
par pratiquer avant d'enseigner. Il
veut en effet parvenir au but qu'il
se propose; niais il n'y parviendra
que par le chemin le plus long s'il
se contente de parler : le plus court
est celui de l'exemple. Les enfants
apprennent plus par les yeux que
parles oreilles. Le discours (i), dit
saint Bernard, le plus vif et le plus
efficace, est V exemple des bonnes
(i) Sur la vie de saint Benoî!, Serm. %.
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LB ZÈLB.
œuvres. Bien ne persuade mieux de
ce quon dit qu'un exemple qui mon-,
tre lu facilité de la pratique des con«
seds que l'on donne. Un Maître est
comme une lampe placée sur le
chandelier, qui éclaire bien par sa
lumière, mai» qui doit encore
échauffer par sa chaleur. Ainsi, U
procure la gloire de Dieu avec une
grande affection, lorsqu'il travaille
d'une manière très*-efûcace à sa prp-»
pre sanctification-
Il enseigne ensuite par des instrucr
tions solides ; c'est la seconde leçon
qu'il donne à ses élèves, leçon très-»
importante; car il leur apprend ce
qu ils. ignorent et ce qu'ils doivent
savoir pour connaître, ai nier, sei>
vir Dieu. Cette fonction est lrès-ho«-
norable sang doute ; mais, comme
nous, .l'avons déjà dit, combien de
eines, de fatigues, de travaux, comb-
ien de dégoûts nVt-U pas à sup<-
porter pour la remplir 1 Airçsi, il
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122
LE ZÈLE.
procure la gloire de Dieu avec une
grande affection lorsqu'il travaille
généreusement, et sans aucun intérêt
temporel, au salut du prochain en le
portant à faire le bien.
Enfin, il enseigne par des correc-
tions sages et modérées ; telle est sa
troisième leçon , et leçon bien es-
sentielle. Combien de choses n'y a-
t-il pas à reprendre dans les enfants !
C'est en eux un mauvais levain, un
germe vicieux qu'il doit exterminer ,
mais qu'il n'exterminera qu'autant
qu'il deviendra leur admoniteur
continuel, qu'il leur fera à propos
des remontrances convenables, et
même qu'il ira jusqu'à les punir
quand il en sera besoin, toujours
néanmoins d'une manière charita-
ble et douce. Ainsi, il procure la
gloire de Dieu avec une grande af-
fection, lorsqu'il travaille au salut
du prochain, en employant une di-
ligence infatigable, un soin assidu,
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LE ZÈLE.
un courage ferme pour lui faire évi-
ter le mal.
Le zèle, dans un Maître, est donc
une vertu très-excellente, et c'est
par cette raison que celui, dit saint
Jean-Chrysostome, qui macère son
corps par les austérités a moins de
mérite que celui qui gagne des âmes
à Dieu ; et même, ajoute saint Gré-
goire, il n'est point de sacrifice qui
lui soit plus agréable que le zèle (i).
Le caractère de cette vertu est
très-actif ; c'est même son caractère
propre. Avec quel empressement, en
effet, quelle exactitude, par exem-
{)le, un Maître ne remplira-t-il pas
es obligations de son état s'il a un
vrai zèle !
i° Ses obligations religieuses.
Comme la première de toutes est
Sour lui le soin de sa perfection, afin
e se soutenir dans la piété, de con-
(1) L. i, sur Ézéchiel. Hom. 12.
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114 LE ZÈLE,
server l'esprit de son état, et 4e ne
pas tomber dans la dissipation de
l'esprit, dan? le dessèchement du
ççsur, suites trop ordinaires des étu?
des profanes, il regardera comme
plus nécessaires que jamais les sainr
tes pratiques ordonnées par les con-*
sautions, surtout l'assiduité jour*
nalière à l'oraispn, les lectures spi*
rituelles, les examens de conscience!
la fréquentation fervente des sacre*
ments, les retraites annuelles, etc.
En général il ne manquera à aucun
point de la régularité lorsqu'il aura
a en pbserver quelqu'un j il arrivera
toujours avant que l'exercice con
mence plutôt qu'après , soit que la
chose dont il s'agit soit plus ou
moins considérable, facile ou péni-
ble ; il suffit que l'obéissance la lui
ordonne pu la lui recommande, il
sera tout prêt, il volera où la règle
l'appelle, il s'y plaira, et il y restera
aussi longtemps qu'il devra y rester.
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1-E tklt.
lis '
•2° Son obligation d'élevér lés en-
fants. L'éducation de la jeunesse de-
mande, de la part de ceux qui en
sont chargés, les soins les plus assi-
dus, lés travaux les plus pénibles,
les détails les plus fastidieux. Com-
ment un Maître portera-t-il le poids
d'un ministère qui effraierait le plus
grand courage, s'il n'est pas animé
d'un grand zèle pour le salut déé
enfants ? il éprouvera donc quelque
chose de la tendresse et de l'inquié-
tude de saint Paul, qui ressentait
Four les Galâtes (î) les douleurs dè
enfantement, jusqu'à ce que Jésus-
Christ fût formé en eux. Ainsi, il
fera toute sa satisfaction, toute sâ
joie, d'instruire sàtts relâche, sans
distinction, sarts aucune acception
dé pérsOhne, tous les ertfantâ, quels
qu'ils soient, ignorants, ineptes, dé-
pourvus des bietts dé la nâture,
(l) feal. iv, 19.
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126
LE ZÈLE.
riches ou pauvres, bien ou mal
disposés, catholiques ou protes-
tants, etc.
Comme il désirera ardemment le
salut de ses disciples, il y travaillera
autant qu'il lui sera possible par ses
bonnes œuvres, par ses prières, par
ses communions. En un mot, il aura
à cœur de les sauver tous sans ex-
ception, persuadé qu'il n'est aucune
âme qui n'ait coûté le sang de
J.-C, et il leur enseignera ce qu'ils
ont à faire pour profiter de cette ré-
demption si admirable.
Mais le véritable zèle n'est pas
seulement actif, il doit être encore
éclairé et prudent. Un Maître véri-
tablement zélé pour l'instruction de
ses écoliers, se fait tout à tous, à
l'exemple de l'Apôtre (i), petit avec
les petits, c'est-à-dire qu'il se con-
forme à leur manière d'entendre les
(1) I Cor. «, 22.
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LB ZÉLÉ. 127
choses et de les goûter, qu'il se pro-
portionne, comme nous l'avons fait
observer^ à leur faiblesse, à leur peu
de raison et d'intelligence ; prenant
néanmoins un langage plus relevé
avec ceux qui sont en état de com-
prendre, et cela, pour les instruire
tous avec plus de profit.
Il ne s'en tiendra pas même à une
instruction étudiée, faite en règle,
avec ordre et méthode ; il se servira
adroitement des occasions, qui ne
manquent pas, pour placer, comme
par hasard , une maxime de morale,
qui, n'étant pas préparée," est mieux
reçue, et fait ordinairement plus
d'impression qu'un enseignement
disposé avec art, et contre lequel les
écoliers sont quelquefois en garde.
Enfin, le zèle doit être charitable
et courageux. Il agit donc avec force
et avec suavité :
Avec force, parce qu'il est ma-
gnanime et incapable de se décou-
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LE 2ÈLE.
i
râffer â l'occasion des peines et des
difficultés ;
Avec suavité, parce qu'il est
doux tendre, compatissant, humble,
en un mot conforme à l'esprit de
JésUS-Christ.
Un Maître manque de zèle, i B lors-
qu'il est indifférent, et qu'il ne fait
f)as tout ce qu'il peut pour étendre
e royaume de Dieu de toutes les
manières que nous avons dites, et
surtout en ne donnant pas de bons
exemples. Comme les enfants imi*
tent naturellement ce qu'ils voient
faire par leurs guides, et malheureu-
sement plutôt le mal que le bien, ils
retiennent mieux l'exemple d'un seul
défaut qlie celui de plusieurs vertus;
2* lorsqu'il n'a pas un vrai désir de
travailler au salut de ses écoliers et
qu'il néglige de leur en procurer
les moyens, autant que sa profession
l'y oblige ; 3' lorsqu'il est sartS acti-
vité pour bien instruire, et sans âr±
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LE ItLH.
120
deur pour S'appliquer à sa propre
perfection .
Il y a d'ailleurs un faux zèle qu'on
peut aisément connaître, i° lors*
que la passion en est le principe;
2° lorsqu'un déplaisir reçu, un af-
front, une haine, un dépit, une an-
tipathie, le mettent en mouvement;
3° lorsqu'il est l'effet de l'humeur,
de l'inclination, de l'aversion, de
l' amour-propre; 4° lorsque, dans
l'enseignement, on recherche à faire
une classe plutôt qu'une autre, et à
demeurer dans une ville où la vanité,
la paresse, l'amour de ses aises, trou-
vent mieux leur compte; 5° quand
on préfère certains écoliers à d'au-
tres, parce qu'ils plaisent davantage ;
6° lorsqu'on cherche àfaire connaître
ses succès, les peines qu'on se donne
pour l'avancement des écoliers ;
7° lorsqu'on aime les applaudisse-
ments et les louanges ; 8° lorsqu'on est
fâché de ce que les autres réussissent
9
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130
LE ZÈLE.
mieux que soi ; 9 0 lorsqu'on avertit
ou qu'on reprend avec des termes
f injurieux, avec vivacité, aigreur, em-
portement ou sàns discrétion, et
sans considérer qu'un zèle impru-
dent fait souvent plus de mal qu'un
zèle discret ne fait de bien ; io° lors-
qu'on est inquiet, mordant, aigre,
turbulent; n° lorsqu'on se laisse
aller aux plaintes, aux murmures, a
la tristesse, au découragement, à de
malignes interprétations; 12 0 lors-
qu'on cherche des biens temporels
plutôt que la gloire de Dieu et l'avan-
tage spirituel du prochain ; i3° lors-
qu'on est sans indulgence, sans mi-
séricorde, sans patience, sans humi-
lité, sans charité; 1 4° lorsque, dans
les circonstances considérables ou
extraordinaires, on ne prend pas 1
conseil de ceux qui sont établis pour
diriger et pour conduire.
Pour ce qui est de moi, je donne-
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LA VIGILANCE
rai très-volontiers tout ce que j'ai,
et je me donnerai encore moi-même
pour vos âmes. II Cor. xu, i5.
Malheur à moi si je ne prcche pas
l'Evangile, car j'y suis obligé ! I
Cor. ix, 16.
Que votre zèle soit animé par la
charité, éclairé par la science, af-
fermi par la constance ; qu'il soit
fervent, circonspect, invincible ;
quil ne soit ni tiède, ni indiscret, ni
timide. S. Bernard, Serai. 20 sur
le Cantiq. des Cantiques.
X. LA VIGILANCE.
La vigilance est une vertu qui
nous rend diligents et exacts à rem-
plir tous nos devoirs.
Un Maître doit avoir cette vertu ,
et pour lui-même et pour ses dis-
ciples.
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132 Là VÎGltAKCfi.
11 doit veiller sur lui-même, c'est
à dire, sur les pensées de son esprit,
sur les mouvements de son cœur, sur
l'usage de ses sens, sur toute sa per-
sonne, pour ne rien faire que de bien
et pour remplir dignement ses obli-
gations. Les manquements qu'il fe-
rait, par défaut de vigilance, de quel-
qu'une de toutes ces manières, nui-
raient évidemment à l'éducation des
enfants et pourraient même leur
inspirer pour lui du mépris et de
l'éloignement.
Un Maître doit être vigilant sur
ses disciples : il est leur ange gar-
dien. Si son absence ou son inatten-
tion (car l'une équivaut à l'autre)
donne lieu à l'ennemi de l'homme,
qui tourne sans cesse autour d'eux,
de leur enlever le précieux trésor de
leur innocence, que répondra-t-il à
J.-C. qui lui demandera compte de
leurs âmes, et qui lui reprochera
d'avoir été moins vigilant pour les
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LA VIGILANCE.
133
garder, que le démon pour les per-
dre?
De ce principe il suit, i° qu'un
bon Maître ne quittera pas sa classe,
sous prétexte que son compagnon,
qui tient la sienne auprès de lui, con-
servera le bon ordre dans les deux
classes. S'il s'absente, ce ne sera ja-
mais que pour une très-grande né-
cessité, et toujours pendant le temps
le plus court qu'il sera possible. En
effet, sa présence seule contribue
beaucoup à rendre les enfants plus
attentifs en fixant et arrêtant leur
imagination; et elle leur épargne
bien des distractions et des négligen-
ces, qui sont la source de plusieurs
fautes qu'ils font, et qui donnent lieu
ensuite à des réprimandes etàdes pu-
nitions que le Maître aurait pu pré-
venir s'il n'avait pas été absent.
a° Lorsqu'il est dans la classe, il
observe tout, il voit tout ; rien n'é-
chappe à ses regards. Par là, il con-
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134 LA VIGILANCE.
é
tient les écoliers dans Tordre et l'ap-
plication ; il les fait venir à l'école
exactement à l'heure prescrite; il
leur fait faire entièrement la tâche du
travail qui leur est donnée; il exige
qu'ils soient propres, ainsi que les
livres, les papiers, les cahiers qui
sont à leur usage. On peut donc dire
que cette vigilance s'étend à tout,
qu'elle dirige, qu'elle soutient, qu el-
le anime tout: piété, lecture, prières,
catéchisme, manière de répondre à
la sainte messe, d'y assister, écri-
ture, orthographe, calcul ; en un
mot, il n'est rien qu'elle n'embrasse.
3° Un bon Maître veille sur la
conduite des écoliers, généralement
partout ou il se trouve avec eux, agis-
sant avec prudence cependant, pour
empêcher qu'ils ne remarquent
qu'on les examine. D'ailleurs, il doit
avoir une application continuelle
pour découvrir, pour connaître tout
ce qui se passe non-seulement dans
uigitizeo Dy
IA YIGlCAKCE. 133
ia classe, mais encore dans les rues,
soit avant, soit après l'école; et s'il
ne peut lui-même voir partout, il se
sert adroitement des inspecteurs
qu'il choisit parmi eux : il sè sert
même plus utilement encore de ses
compagnons, avec lesquels il entre-
tient un concert louable et inspiré
par la charité pour la bonne admi-
nistration des écoles, suivant en cela
le conseil que l'Apôtre donnait aux
Romains, en disant (i) : Supportez-
vous les uns les autres, comme Jésus-
Christ vous a supportés pour la
gloire de Dieu.
4° C'est surtout à l'église que l'ap-
plication , les soins et les regards
d'un Maître se réunissent sur les
écoliers pour les contenir dans l'or-
dre, la modestie et le respect qu'exige
la sainteté de ce lieu. À cet effet, il
évite soigneusement de promener ses
(i) Rom. xx, 7.
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136 LA YIGILANCS.
yeux et de les fixer sur d'autres ob-
jets, il se tient en garde contre la
curiosité, la dissipation, et s'interdit
absolument tout ce qui pourrait le
distraire de sa vigilance sur les en-
fants, ne s'arrêtant même pas trop
à regarder comment se font les cé-
rémonies du culte divin, lorsque
cela pourrait affaiblir l'attention
qu'il doit à ses disciples, persuadé
que s'il lui arrivait de s'oublier sur
ces points, ils s'en apercevraient bien-
tôt, et ne manqueraient pas de s'é-
manciper, parce qu'ils pourraient
n'être pas vus, de se scandaliser,
d'imiter ses mauvais exemples, et
d'en espérer l'impunité.
5° Enfin, la vigilance d'un Maître
s'étend même sur l'avenir. L'expé-
rience du passé lui suggère des pré-
cautions contre des événements qui
peuvent arriver, et que le raisonne-
ment lui fait prévoir. Son attention
le porte à éloigner ce qui pourrait
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LÀ VIGILANCE.
137
offenser les écoliers- Il pense à pré-
venir leurs fautes, ainsi que les pu-
nitions qui en seraient la suite, en
ne leur laissant, s'il est possible, ni
les moyens, ni les occasions de pé-
cher. Il vaut mieux, en effet, préve-
nir un mal que de le punir quand il
est commis; et c'est ce qu'opère la
présence continuelle et l'œil atten-
tif du Maître; car ordinairement les
écoliers, avant de faire une faute,
commencent par regarder s'ils ne
seront pas surpris et aperçus par le
Maître, dont ils craignent souvent
plus les yeux que les corrections.
Il ne faut pas néanmoins que la
vigilance d'un Maître soit inquiète,
défiante, embarrassée, accompagnée
de conjectures mal fondées. Elle
pourrait alors être opposée à la jus-
tice et à la charité; elle serait aussi
révoltante pour les écoliers, qui s'en
apercevraient, que gênante et incom-
moda pour le Maître. Cette applica-
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138
LA VIGILANCE
tion doit être paisible, sans agita-
tion, sans trouble, sans contrainte
et sans affectation ; elle n'en est alors
que plus parfaite. Comme il ne faut
rien omettre de ce que demande une
exacte surveillance, il ne faut pas non
3lus outrer les précautions. D'ail-
eurs, en voulant conserver les bonnes
mœurs, on doit faire en sorte que
les enfants ne deviennent pas des
hypocrites.
Un Maître s'abstiendra des défauts
suivants, comme étant contraires à la
vigilance : il évitera l'application à
toute autre chose qu'à ce qui doit
l'occuper dans chaque moment ; la
lâcheté, l'assoupissement, les con-
versations inutiles avec les écoliers,
avec les externes, même avec ses
compagnons d'école, la dissipation
d'esprit, le dégoût pour la classe,
l'inattention, l'indolence, un certain
engourdissement qui le rendrait in-
capable d'action, la présomption, la
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LA VIGTLÀKCE. i39
témérité, ainsi que la pesanteur ou
la lenteur de la paresse.
Outre ces défauts, un Maître doit
encore éviter une trop grande in-
quiétude, des agitations précipitées
et vives du corps, de la téte, des
yeux, des bras; la négligence à ob-
server tout ce que font les écoliers,
et de quelle manière ils s'acquittent
de leurs devoirs ; l'inexactitude à te-
nir soigneusement et continuelle-
ment la main à tout ce qui peut
établir Tordre et l'application.
-
Prenez garde à vous-même et à
votre troupeau. Act. xx, 28.
Pour vous, veillez; souffrez con-
stamment toutes soi tes de travaux;
remplissez votre ministère. II Tim.
iv, 5.
ce Nous avons un grand dépôt
confié à nos soins et à notre vigi-
lance ; ce sont les enfants. Ayons-
en tout le soin possible, et prenons
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140 LA PIÉTÉ.
garde que le voleur rusé, qui n'en
veut qu'à nos âmes, ne nous les en-
lève pour en faire sa malheureuse
proie. » Saint Jean Ghrysostome sur
la première épître à Timothée.
XL LA PIÉTÉ.
La piété est une vertu qui fait que
nous nous acquittons dignement de
nos devoirs envers Dieu.
-
Nous nous en acquittons digne-
ment lorsque nous les remplissons
avec respect et zèle ; car la majesté
infinie ae Dieu, sa bonté immense,
exigent de nous que nous lui ren-
dions l'hommage le plus respec-
tueux, et que nous ayons le plus
grand empressement pour le servir
comme il le demande. e
Un Maître doit avoir éminemment
la vertu de piété : c f est-à-dire que sa
piété sera intérieure dt sincère ; au*
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LA PlÊÎÊ.
141
trament, il ne serait qu'un hypocrite.
Elle sera éclatante et exemplaire,
parce qu'il doit faire paraître au de-
hors les sentiments dont son cœur
est pénétré.
Qu'est-ce, en effet, qu'un Maître
, chrétien , chargé de l'éducation des
jeunes gens ? C'est un homme entre
les mains de qui J.-C. a remis un
certain nombre d'enfants qu'il a ra-
chetés de son sang, et pour lesquels
il a donné sa vie, en qui il habite
comme dans sa maison et son tem-
Ele, qu'il regarde comme ses mera-
res, comme ses frères et ses cohé-
ritiers, qui régneront avec lui et
glorifieront Dieu par lui dans toute
l'éternité. Et pour quelle fin les lui
a-t-il confiés ? Est-ce précisément pour
en faire de bons écrivains, de grands
arithméticiens , d'habiles calcula -
teurs, des mathématiciens, des sa-
vants ? Qui oserait le dire ou le pen-
ser 1 II les lui a confiés pourconserver
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H2
LA PIÉTÉ.
en eux le précieux et l'inestimable
caractère de l'innocence, qu'il a im-
primé dans leur âme par le baptême,
pour en faire de véritables chrétiens.
Voilà donc ce qui est la fin et le but
de l'éducation des enfants : tout le
reste ne tient lieu que de moyens.
D'où il suit qu'un Maître doit avoir
un très-grand soin de les former a.
la religion. Ainsi il s'appliquera,
comme nous l'avons dit ailleurs, à
les instruire des mystères de la foi,
en particulier de ceux qu'il leur est
nécessaire, de nécessité de moyen,
de croire d'une manière explicite:
du symbole, des vérités qui regar-
dent la pratique, comme des com-
mandements de Dieu et de l'Eglise,
des dispositions requises pour rece-
voir avec fruit les sacrements, etc.
Il ne manquera pas non plus de
leur parler des engagements du bap-
tême, des renonciations qu'ils ont
faites en recevant ce sacrement, de
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LA l'IÊTÊ.
1 esiime qu'ils en doivent avoir, des
grâces qu'ils y ont reçues, et de ce
qu'ils sont obligés de faire pour les
conserver.
Il leur expliquera ce qui concerne
l'obligation d'assister aux offices di-
vins, surtout à la sainte messe les
dimanches et fêtes, les fruits pré-
cieux qu'ils recueilleront en y assis-
tant tous les jours, la manière de
faire cette importante action et de se
tenir dans l'église, tant pour l'inté-
rieur que pour l'extérieur.
Il leur apprendra quelle est la né-
cessité de la prière, comment et en
quel temps on doit remplir ce devoir
essentiel, comme le matin, le soir, et
en une infinité d'autres circonstances
de la vie. Il exigera d'eux qu'ils sa-
chent les formules ordinaires dont
on se sert en priant, qu'ils les pro-
noncent bien et distinctement quand
ils les récitent.
Il leur enseignera comment ils
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-
iU LA PIÊTÏ.
rendront leurs actions méritoires en
les offrant à Dieu, et lui demandant
son secours pour les bien faire;
comment encore ils doivent profiter
des peines, des afflictions, se sou-
mettre avec résignation à la volonté
de Dieu dans la maladie et dans les
autres événements fâcheux de cette
vie, s'acquitter des obligations de
leur état, s'éloignér des occasions du
péché, n'être jamais pour les autres
des sujets de scandale, etc.
Il leur fera bien connaître les ver-
tus chrétiennes et morales, la foi,
l'espérance, la charité, la justice, la
bonté, la droiture de cœur, la sa-
gesse, la prudence, la force, la tem-
pérance, la modestie dans tous leurs
discours et dans toute leur conduite,
le respect et la soumission qu'ils
doivent aux puissances ecclésiasti-
ques et civiles, l'immortalité de l'â-
me, les dernières fins de l'homme,
la grâce, le péché, etc.
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LA PIÉTÉ
un
11 leur inspirera non-seulement
une piété solide envers Dieu et en-
vers N. S. J.-C. , mais encore une
dévotion singulière à la très-sainte
Vierge, à saint Joseph, à leur saint
patron, à leur Ange gardien; les in-
struisant sur les motifs de cette dé-
votion, récompensant ceux qui s'y
affectionneront davantage. Il ajou-
tera, dans les circonstances conve-
nables, certains traits frappants de
la vie des saints et des hommes il-
lustres. Les bons exemples font par
eux-mêmes plus d'impression sur
l'esprit des enfants que de longs
discours, même les mieux raison-
nés.
Enfin, il leur inculquera sans cessé
l'obligation où ils sont de préférer
leur salut à toute autre chose; et,
par toutes ces instructions, il for-
mera en eux les qualités qui font le
bon chrétien, le bon citoyen, le bon
père de famille, le bon magistrat, le
10
LA FIÉTÛ.
bon militaire, le bon négociant, etc.,
suivant les différents états auxquels
chacun sera appelé par la divine Pro-
vidence.
Mais n'oublions pas d'observer ici
que c'est surtout pour bien ensei-
gner la religion aux enfants qu'on
doit diversifier, ainsi que nous l'a-
vons déjà dit, et simplifier les in-
structions suivant leur besoin ; qu'il
ne suffit pas de leur faire étudier et
de leur faire répéter journellement
le catéchisme, mais qu'il faut en-
core leur en développer la doctrine
par des explications qui soient clai-
res et bien à leur portée. Si un Maî-
tre tient cette conduite, s'il l'appuie
de l'exemple de toutes les vertus, il
produira infailliblement les plus
grands fruits.
Au reste, il n'est pas nécessaire
d'avertir que tous les exercices de
piété doivent se faire avec respect,
avec modestie, avec un recueille-
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LA PIÉTÉ.
U7
ment intérieur et extérieur. On ne
doit donc alors rien permettre ni
souffrir qui puisse distraire de l'ap-
plication qu'on doit y donner. Il
faut aussi exiger qu'à l'église les en-
fants aient des livres à, la main, et
qu'ils y lisent toujours.
Tels sont les principaux objets
dont un Maître doit instruire les en-
fants. Mais, encore une fois, pour-
rait-il leur donner une semblable
éducation, et les former parfaite-
ment à une vie chrétienne, s il n'était
pas lui-même rempli de tout ce qu'il
leur enseigne ? Nous avons donc eu
raison de dire que sa piété doit être
éminente; mais, pour la rendre so-
lide, il ne manquera pas sans doute
de prendre J.-C. pour son modèle,
la morale de ce divin Sauveur pour
fondement et pour principe de sa
conduite. Ainsi il méprisera les biens
de la terre qui passent, les louanges
des hommes qui n'ont aucune réa-
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LA PIÉTÉ.
lité, les plaisirs du siècle qui ne sont
que dangers et illusions.
Un Maître manquerait à la piété
en parlant de Dieu par manière d'ac-
quit, sans goût, sans être pénétré
des vérités de la religion , en disant
ou laissant dire la prière avec préci-
pitation, sans pause, trop haut, sans
modestie, sans respect, sans atten-
tion, en négligeant ou en faisant
sans application, sans ferveur, cer-
taines pratiques de dévotion, telles
que sont de prendre de l'eau bénite,
de faire le signe de la croix, de join-
dre les mains, de s'incliner, de se
mettre à genoux en temps et lieux
convenables, surtout si c'était par
honte qu'il s'en abstînt.
Exemez-vous à la piété Elle
est utile à tout ; et cest à elle que
les biens de la vie présente et ceux
de la vie future ont été promis.
I Tim. iv, 7 et 8.
Di
LA GÉNÉROSITÉ- 149
Mettez-vous en état de paraître
devant Dieu comme un ministre di-
gne de soti approbation, qui ne fait
rien dont il ait sujet de rougir, et
qui sait bien dispenser la parole de
vérité. II Tim. n, i5.
XII. LA GÉNÉROSITÉ.
La générosité est une vertu qui
nous fait sacrifier volontairement
nos intérêts personnels à ceux du
prochain, conformément à la con-
duite de saint Paul, qui disait (i)
quV/ ne cherchait point ce qui lui
était avantageux, mais ce qui était
avantageux à plusieurs, afin quils
fussent sauvés .
On voit par cette définition que
la générosité n'est pas une vertu
commune et ordinaire, mais très-
Ci) I Cor. x,33.
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150 LA GÊKÉBOSITÉ.
relevée ; en effet le sacrifice qu'elle
nous inspire se fait librement, et
l'objet de ce sacrifice est consi-
dérable.
Il se fait librement. On n'est pas
généreux lorsqu'on ne donne aux:
autres que ce qu'on est tenu de leur
donner, ou autrement ce qui leur
appartient. Son çbjet est considé-
rable. En général on n'est généreux
qu'autant qu'on se relâche de ses
droits en faveur de quelqu'un , et
qu'on lui accorde plus qu'il ne peut
exiger. On peut donc regarder la
générosité comme Je plus sublime
de tous les sentiments , comme le
mobile de toutes les belles actions,
et peut-être comme le germe de toutes
les vertus.
Appliquons à un bon Maître ce
ue nous venons de dire : il est aisé
'en inférer que la générosité lui con-
vient, et qu'elle lui convient même
d'une manière très-sublime.
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LA GÉNÉROSITÉ. ibl
11 fait un sacrifice bien libre, ûn
grand sacrifice, puisqu'il se livre
volontairement à un travail essentiel
pour le prochain ; savoir, l'instruc-
tion des enfants, surtout des enfants
pauvres.
Quelle est d'ailleurs la sublimité
de ses sentiments? Pour se mettre
plus en état de mieux instruire, il se
consacre à Dieu dans une profession
où il renonce à tous les biens de la
terre par le vœu de pauvreté , aux
plaisirs les plus légitimes par celui
de chasteté, à sa propre volonté,
c'est-à-dire à sa personne même ,
qu'il offre comme un holocauste, par
celui d'obéissance : n'est-ce pas de
sa part un sentiment admirable, un
sentiment héroïque?
Bien qu'il procure au prochain des
avantages d'une importance infinie,
loin d'en retirer aucun émolument
temporel, il se fait gloire du plus par-
fait désintéressement. Quelle beauté
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152 LÀ GfiKÉROSITÊ.
dans cette action dont sa générosité
est le mobile!
Il se dévoue, non pas d'une ma-
nière momentanée, mais pour tou-
jours, à une fonction très-excellente,
très- laborieuse , très-rebutante de sa
nature, et qui, loin de paraître re-
levée aux yeux des hommes, leur
parait, au contraire, abjecte et basse.
11 la regarde néanmoins comme Tu-
nique objet de son travail, de son
application continuelle, de ses soins,
de ses études; et ce qu'il se pro-
f)ose, c'est d'en faire recueillir tout
e fruit à ses écoliers; en sorte qu'il
peut leur dire avec l'Apôtre (i) :
Pour ce qui est de moi, je donne
très-volontiers tout ce que j'ai, et je
me donnerai encore moi-même pour
vos âmes: De combien de vertus la
générosité n'est-elle pas en lui le
germe !
(4) H Cor xn, 15, ;
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LA GÉKÉRC91TÊ. lî)3
Expliquons encore ce qui regarde
la générosité. On dit que c'est un
sentiment aussi noble que la gran-
deur d'âme, aussi utile que la bien-
faisance, et aussi tendre que l'hu-
manité ; mais la générosité d'un bon
Maître n'a-t-elle pas ces trois carac-
tères ?
Elle est aussi noble que la gran-
deur d'âme. Il s'élève au-dessus des
injures, dont il ne se venge qu'en
faisant le bien , des contradictions ,
des dégoûts, de l'ennui, des soins
d'un travail très-assidu, en un mot
de tout ce qu'il y a de plus difficile,
de plus pénible à supporter, pour
bien élever les enfants.
Elle est aussi utile que la bienfai-
sance. Il rend de très-grands services
aux enfants, et pour l'âme et pour
le corps : il leur donne des soins
continuels à cet effet; il les forme
aux vertus chrétiennes et sociales;
il leur apprend des choses très-inté-
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LA GÉNÉROSITÉ.
ressantes, dont ils pourront profiter
avec beaucoup d'avantage dans la
conduite de leur vie.
Elle est aussi tendre que l'hu-
manité. Il s'applique à les rendre
heureux, soit par ses instructions,
soit par ses conseils, soit par ses
bons exemples ; il leur procure tous
les secours dont il est capable; il
compatit à leur faiblesse ; il les pré-
munit contre les mauvaises habi-
tudes; il leur en fait contracter de
bonnes ; il corrige en eux les incli-
nations vicieuses , comme l'inso-
lence, la fierté, l'orgueil, l'estime
de soi-même, la paresse j l'indoci-
lité ; il les accoutume à adoucir leurs
peines par les consolations solides
qu'on ne peut trouver que dans la
Religion, et dont il a le zèle de les
instruire ; il supporte leurs fautes, et
il ne les réprime que lorsqu'elles le
méritent; il leur suggère les moyens
de se préserver de la corruption du
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LA GÉNÉROSITÉ. 45S
siècle : il fait toutes ces choses par
la charité la plus affectueuse, pour
former en eux des hommes chré-
tiens et des citoyens utiles à la
société.
Ajoutons que la générosité ren-
ferme le sentiment de la libéralité,
mais d'une libéralité sage et rai-
sonnable, telle que doit être celle
d'un bon Maître, Il doit en effet
donner des récompenses aux écoliers
pour exciter leur émulation, les ani-
mer à bien faire, à éviter le mal;
mais il nè doit distribuer ces récom-
penses qu'au mérite, avec discerne-
ment, sans acception de personne,
et rarement. Sf elles devenaient com-
munes, elles deviendraient indiffé-
rentes ; et , fussent-elles même de
quelque prix, on n'en ferait bientôt
plus aucun cas.
Pour avoir la vertu de générosité
un Maître doit estimer son emploi,
le remplir avec affection , sans y rien
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LA GÊKÊROeiTÉ.
négliger, aimer à rendre service au
prochain , et à lui faire tout le bien
possible, à multiplier ses instruc-
tions , à les répandre avec une
louable profusion , soit dans les le-
çons générales, soit dans les leçons
particulières qu'il est quelquefois
dans le cas de donner ; le faisant ,
toujours gratuitement, et sans autres
motifs que l'avaii tage du prochain et
la gloire de Dieu.
Il manquerait à cette vertu s'il
se permettait des ménagements por-
tés trop loin, sous prétexte 'que l'en-
seignement lui paraîtrait fatigant,
ou causerait quelque altération à sa
santé ; s'il cherchait plutôt sa propre
utilité que l'avancement des éco-
liers dans l'étude qu'il ferait pour
apprendre les choses dont il doit les
instruire.
Il pécherait encore s'il gardait pour
lui, ou pour donner à d'autres qu'à
ses écoliers, les récompenses qu'il |
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LA GÉNÉROSITÉ. 1SÎ
aurait reçues pour eux. Il blesserait
même, en ce cas, la pauvreté qui lui
interdit une pareille disposition.
Il pécherait enfin s'il recevait des
présents des écoliers; s'il leur rete-
nait quelque chose ; s'il cherchait à
s'attirer des louanges, des applau-
dissements, à être flatté ; en un mot
s'il désirait d'autres avantages que
ceux auxquels est appelé tout digne
Maître des Ecoles chrétiennes, c'est-
à-dire l'utilité du prochain, sa pro-
pre sanctification et la gloire de
Dieu.
Je tâche moi-même de plaire à tous
en toutes clioses, ne cherchant point
ce qui m est avantageux, mais ce
qui est avantageux à plusieurs, afin
qu'ils soient sauvés. I Cor. x, 33.
Pour ce qui est de moi, je donne-
rai très-volontiers tout ce que j'ai,
et je me donnerai encore moi-même
pour vos âmes. II Cor. xu, i5.
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CONCLUSION.
CONCLUSION.
Telle est, M- T.-C. F., l'explica-
tion des vertus d'un bon Maître.
Vous voyez quelle est entièrement
faite d'après ce que nous en avons
appris de M. de La Salle, que c'est
le développement du plan général
qu'il a suivi pour bien élever les en-
fants. EU avec quel étonnant succès
ne l'a-t-il pas suivi! Ce plan, en ef-
fet, renferme les quatre principaux
moyens dont les plus habiles Maî-
tres se servent pour réussir dans
l'éducation des enfants; savoir, de
s'en faire estimer, aimer, respecter
et craindre. Il est évident que les
douze vertus d'un bon Maître ren-
ferment tous ces moyens, et qu'il
n'en est pas une seule qui n'en ren-
ferme un ou plusieurs. Quelle faci-
■
CONCLU&ION.
V60
lité ne procureront-elles donc pas
à un Maître, lorsqu'elles seront tou-
tes réunies, et •qu'il les possédera
plus éminemment 1
Mais n'est-ce pas en vous confor-
mant à ce que vous en a enseigné
monsieur de La Salle que vous avez
si heureusement continué son ou-
vrage? Persévérez donc à marcher
sur ses pas, ayant une ferme con-
fiance, à l'exemple de F Apôtre (t),
que celui qui a commencé le bien en
vous, ne cessera de le perfectionner
jusqiûau jour de notre Seigneur Jé-
sus-Christ. Si quelques-uns d'entre
vous n'avaient pas encore atteint
la perfection des vertus d'un bon
Maître, nous espérons qu'ils vont
à l'avenir s'animer, par une nou-
velle ferveur, à les acquérir dans
le degré où ils doivent les posséder,
et à éviter, avec plus de soin que ja-
(1) Philipp. i, 6.
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160 CONCLUSION.
»
mais, les défauts qu elles combat-
tent. C'est le vrai moyen de faire
fleurir de plus en pli#s l'Institut, ou
plutôt de procurer davantage la
gloire de Dieu, et de rendre plus
utile l'éducation des enfants dont
nous sommes chargés.
Ce que nous avons dit vous fait
connaître, M. T. -G. F., qu'en cher-
chant à élever la jeunesse, qu'en nous
sacrifiant en sa faveur, nous pouvons
nous appliquer avec raison ces paro-
les que l'Apôtre adressait à Timo-
thée(i) : Car agissant de la sorte vous
vous sauverez vous-même et ceux
qui vous écoutent. Ainsi, à l'exem-
ple du Docteur des nations, nous
avons tout lieu à' attendre, si nous
sommes fidèles à remplir nos obliga-
tions, la couronne de justice qui nous
est réservée, que le Seigneur, comme
un juste juge, nous rendra en ce
(1) I Tim. iv, 16.
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CONCLUSION.
161
grand jour, et non~seulement à nous ,
mais à tous ceux qui aiment son avè-
nement (i); couronne qui sera infi-
niment glorieuse pour nous; car,
ainsi que vous l'avez remarqué dans
un passage de S. Jean Chrysosto-
me (2), celui qui macère son corps
par les austérités a moins de mérite
que celui qui gagne des âmes à Dieu.
Il y a, dit le même saint, deux voies
pour nous conduire au salut : dans
l'une on ne travaille que pour soi, et
dans Vautre on s' intéresse aussi pour
le service du prochain* Il faut recon-
naître que les jeûnes, les austérités
corporelles, la continence et les au-
tres vertus semblables, sont utiles
pour le salut de celui qui les pratique;
mais l 9 aumône, les enseignements et
la charité, qui se communiquent au
prochain, sont des vertus bien plus
relevées. (Hom. 78, sur ces paroles :
t
(1)11 Tim. iv, 8, -(2) Sur le zèle.
M
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162
CONCLUSION.
Qui est le serviteur fidèle? S. Mattli.
ch. xxrv, 45.)
Il dit encore, dans un autre en-
droit, qu 'une seule âme que nous au-
rons gagnée à Jésus-Christ peut effa-
cer en nous une infinité de péchés, et
devenir le prix de la rédemption de
notre âme. (Hom. 3g, au peuple
d'Antioche.)
Estimons-nous donc heureux de
ce qu'après avoir embrassé une des
religions les plus austères qui se
trouvent dans l'Eglise de J.-C, nous
ajoutons, ce que n'ont pas plusieurs
d'entre elles, l'avantage précieux
d'instruire les autres et de travailler
au salut des âmes .
Que le Seigneur Jésus-Christ soit
avec votre esprit ! La grâce soit avec
vous. Amen (1).
Melun, le 12 février 178».
F. Agathok. t
(1) II Tim. it, 21 .
FIN.
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TABLE DES MATIÈRES.
Page*.
Adresse à exécuter ses projets, 40
Ambition exclue par rhumililé, 26
Amitié des écoliers pour leur Maître, 8
Moyens de là gagner, 7 1
Autorite ; ses effets, ~8fr
Ce que c'est, ce qui la donne et ce
qui la conserve, ibid.
Inconvénients lorsqu'elle agit seule,
101
wm
Avertissements : quand il faut les employer, 102
Comment il faut les faire, ibicT.
Babil du Maître; ses suites, 14
Bienfaisance, 153
Causticité, doit être évitée, 116
Charitable (la correction doit être), 108
Charité, inspirée par 1 humilité. 30
Châtiments/ M
Circonspection; elle fait considérer et ex.v
miner tout, 42
Cœur; manière de le former, 76
Colère qui est vertu, 418
Colère vicieuse, 119
Conliance des écoliers pour leur Maître, 17
Usage qu'il peut en faire. ibid.
Confusion que l'humilité fait supporter, 30
Constance qui vient de la fermeté. 80
Convenable (la correction doit être), 1 09
Correction; conditions qu'elle doit avoir,
400 et suiv.
Nécessité des corrections, 114
Comment doit-on les faire? 1 1 1
xJby
164 TABLE DES MATIÈRES.
Pape*.
Moyens de les prévenir, 95 et 105
Courage dans les désagréments de rensei-
gnement, 29 et 85
Celui qu'inspire la fermeté, 8l>
Crainte ; celle qu il faut inspirer aux enfants, 83
Défauts opposés à la gravité, 10 et 1 1
Au silence, jB
A l'humilité,
30
A la prudence,
* 44
A la sagesse,
5TÏ
A la patience,
fi!
A la retenue.
m
A la fermeté, 91 et <M
A la douceur, 116 et 117
A la vigilance, 138 et 1 39
A la piété, 148
A la générosité, i36
Défiance de ses lumières, 27
Désintéressement, f^oyez .Générosité, 151
Discernement; usage "qu'il faut en faire, 97
Docilité aux consens d autrui, 40
Douceur, 07
Combien il y en a de sortes, 68
Elles doivent être sincères pour être
véritables. 69
Excellence de la douceur, 70
Son caractère, . TH>
Dureté ; comment on s'en rend coupable, 79
Ses mauvais effets, 80
Egalité d'âme et comment l'acquérir, 10
Eglise; quelle vigilance il faut y avoir, 133
Esprit ; manière de le former. 77
Estime et respect des écoliers pour leur
TABLE DES MATIÈRES.
Maître ; leur nécessité,
Comment se les procurer,
71
Exemple; un Maître doit donner bon
exemple, 120 et 147
Exercices de piété; comment doivent-ils
se faire? 148
Expérience; quel usage il faut en faire, iM
Familiarité avec les écoliers; ses suites, Q i
Fautes des écoliers; comment les pré-
venir, 1Û5
Fermeté; en quoi elle consiste; elle est
nécessaire, 83 et 84
Quand il faut en user, 8fi
Avantages de son alliage avec la dou-
ceur, 83
Faiblesse; en quoi un Maître s'en rend
coupable,
Fonctions de la prudence, 34
Force qu'exige la fermeté, 85
Généreux : qu'est-ce qui rend un Itfaîtrc
généreux ? 1 55
Générosité, 149
Sublimité de cette vertu, ibid.
Pratique de cette vertu, 150
G loire de Dieu; comment on laprocure,120 et 122
Grandeur d'àme, 15H
Gravité ; én quoi elle consiste, ï
Ne doit point être portée trop loin, 111
Ses fruits, ibid.
Homme (I'); sou état depuis le péché
d'Adam, 22
Humanité. 154
166 TABLE DES MATIÈRES.
Page t.
Humilité, 2il
Sa nécessité, ibid.
Ses caractères, 21
Intelligence ; objet de son application 3fi
Instruction : préparation qui est néces-
saire, 46. 31 "et 3»
Comment il faut s'instruire, i9
De quoi il faut instruire, 141
Jalousie ; l'humilité en préserve, 2fi
Jugement ; manière de le former, 1£
Juste (la correction doit être), 1Û8
Libéralité, 155
Maître; honneur et éminence de ses fonc-
tions, 23,121, lil et 160
Maître ; ses soins et ses travaux, 125
Aime à communiquer sa science, 2£
Quand il manque de zèle, 128
Défauts qu'il doit surtout éviter, 2fi
Maximes placées à propos, liî
Mémoire ; usage qu'il faut en faire, 35
Menaces ; ce qu'il faut y observer, liîi
Modérée (la correction doit être), 110
Modestie du Maître chrétien, 23
Mollesse; ce qui la fait connaître, ï
Paisible (la correction doit être), llil
Parler; quand il faut parler, 16
Comment il faut le faire, 11
Qu'est-ce que parler avec autorité ? 35
Patience, ♦ 5û
Sa nécessité, 51
Ses elTets, ibid.
Sa pratique et ses avantages, 58
TABLE DES MATIÈRES. 167
Page*.
Pauvres; aimer à les instruire, 28
Pénitences; leur diversité, 97
Celles qu'il faut préférer, 98 et 99
11 faut les varier, 100
Choisir le temps qui y convient, ibid.
Doivent être proportionnées aux fautes, 97
Inconvénients de les rendre trop fré-
quentes, ' 1 00
Considérations qu'elles exigent, ibid.
Moyens de les rendre rares, 101
Perfection ; soin que le Maître doit avoir
de la sienne. 123
Piété, . 140
Sa nécessité, et même elle doit être
éminente, ibid.
Politesse, 75
Précaution ; elle prévient les inconvé-
nients, 43
Prévoyance; ce que cfot, 41
Procédés louables de l'humilité, 29
Prudence ; ce que c'est, 32
Combien elle est excellente, 33
Sa nécessité, 44
Elle règle le jugement, 34
Modilie les autres vertus, 4£
Prudence de la chair, 45
Prudente (la correction doit être), 110
Punition; quand est-ce seulement qirti
fau i P unir ^ 100
En quelles dispositions, iffi TT
Pure (la correction doit être), 107
Raisonnement (le) fait éviter les méprises, 41
1(18 TABLE DES MAT1ÈUFS.
Réprimandes; comment doit- on s'y com-
porter? 103
En quel cas il faut en user, ihid .
Résignation dans le défaut de succès. 25
Respectueuse (la correction doit êlre), 113
Retenue ; en quoi elle consiste, 62
Son effet, 65 et 66
Sagesse; en quoi elle consiste, 45 et 48
Ses effets, Si
Sagesse fausse, 54
. Sentiments (élévation de), ~t0
Signes ; leur fin et leurs avantages, 15
Silence ; sa définition, 1 3
Ses avantages, ^ 13 ettt
Silencieuse (la correction doit être), 114
Société (défauts contre les devoirs de la), 75
Vaine gloire exclue par l'humilité, 25
Vertus d'un bon Maître, 4
Volontaire; la correction doit être accep -
tée volontairement, 113
Zèle, J20
Son excellence,
Son caractère/ ^ijx
H doit être prudent et éclairé, Î26
Charitable et courageux, 127
(Manque de), 12 8
Zèle faux et illusoire, 129
«
■
■
FI* DE LA TABLE.
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